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Pierre Barbancey l'Humanité

Reportage. Certaines ont fui les exactions des talibans ou craignent leur retour à Kaboul. Elles sont étudiante, directrice de journal ou d’un centre de yoga, patronne d’un café ou informaticienne. Nous nous sommes rendus en Afghanistan pour rencontrer ces femmes qui veulent vivre libres.

Kaboul (Afghanistan), envoyé spécial.

Dans la capitale afghane, la vie se poursuit inlassablement malgré la menace d’une arrivée possible des talibans. Les rues de la capitale afghane ne désemplissent pas. La circulation est toujours aussi intense et les embouteillages monstres. Sur les avenues, les échoppes ambulantes étalent leurs pastèques, leurs melons, leurs mangues ou leurs citrons. Sur les bords de la route, des hommes d’un certain âge, foulard autour de la tête, ont transformé leur brouette de porteurs en siège. Ils attendent le chaland chargé de sacs.

Le long de la rivière Kaboul, qui a donné son nom à la ville, s’étend le quartier Mandai. C’est la porte d’entrée du bazar, qui grouille toujours de monde. Les odeurs le disputent aux couleurs, selon que vous passiez du marché aux épices à celui des fruits secs ou à celui des oiseaux. Les apparences sont néanmoins trompeuses.

Mehmoob, vendeur de gilets et de patous (les couvertures afghanes), est maintenant l’un des rares vendeurs de burqa, là où, sous le règne des talibans, ce voile intégral était fièrement accroché à l’extérieur, flottant au vent comme des fantômes bleus, jaunes ou verts. Aujourd’hui, il faut entrer dans la boutique pour en trouver.

Ce qui ne fait pas de Mehmoob un nostalgique des talibans. Au contraire. « J’étais petit quand ils dirigeaient le pays mais je connais leur sauvagerie. » Ce qui le préoccupe, comme beaucoup de commerçants, est la perte de 70% de son chiffre d’affaires. Même le vendeur de corans se désole de ses ventes en chute libre. C’est dire ! Malgré l’agitation, les Kabouliotes sont inquiets. Le souvenir des talibans est revenu hanter les femmes.

3000 familles chiites ont dû s’enfuir

Si Kaboul a vécu dans un calme relatif ces derniers mois, l’attaque suicide de mardi est venue rappeler que le danger rôde, tout comme la mort. Et si la capitale peut encore vivre, ce n’est pas le cas partout dans le pays. Il suffit d’aller à Dasht-e-Barchi, un quartier de l’ouest de la capitale afghane où vit principalement la communauté hazara de confession chiite.

C’est là que près de 3 000 familles, soit plus de 15 000 personnes, ont trouvé refuge. Le gouvernement et la municipalité sont dans l’incapacité de les aider. Si de nombreuses familles sont logées par les habitants, d’autres se déplacent de mosquée en mosquée pour pouvoir dormir. Les restaurateurs se sont mobilisés pour apporter de la nourriture, une fois par jour.

Icon Quote Les talibans n’ont pas de pitié. Ils ont frappé des femmes parce qu’elles ne portaient pas la burqa.

Nadjibah, 30 ans, un bébé dans les bras

Des milliers ont fui la province de Ghazni, à 150 km au sud-ouest de la capitale, attaquée par les talibans. Ils sont partis comme ils pouvaient, sans rien pouvoir emporter. « Les talibans sont arrivés à pied et en voiture, témoigne Hussein Ali. Il y avait des Afghans mais aussi des Pakistanais et des Ouzbeks. Ils ont commencé à tirer sur les gens. 63 civils ont été tués. » Les paroles rapportées sont terribles. Nadjibah, 30 ans, un bébé dans les bras, raconte sa peur. « Ils n’ont pas de pitié, ils sont sauvages. Ils ont frappé des femmes parce qu’elles ne portaient pas la burqa. »

Étudiante en littérature dari à l’université de Ghazni, Hawa Zahid, 23 ans, petites lunettes à la monture fine sur le nez, ne décolère pas. « Les talibans avaient déjà des agents à l’intérieur de la ville. Ils étaient cachés. Quand les combats ont commencé, on a découvert qu’ils étaient là. Ils ont rassemblé les anciens dans une mosquée pour leur dire qu’ils étaient intéressés par les jeunes filles. » La jeune femme se dit « détruite, blessée » au fond d’elle-même. « Ils ne respectent pas les femmes, ils veulent que nous soyons retardées pour pouvoir abuser de nous. »

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« Mon nom a été donné aux talibans »

Dans la province montagneuse de Ghor, au centre de l’Afghanistan, les habitants n’ont pas été mieux traités par les talibans, comme le raconte Rabia, rencontrée à l’université Kateb, à Kaboul. « Quand ils sont arrivés, ils ont exigé que chaque famille fournisse, pour les combattants, une fille entre 15 et 30 ans ou une veuve de 45 ans et même des veuves de soldats. Ils veulent que les femmes leur préparent à manger, lavent leur linge », raconte-t-elle dans un débit rapide.

Rabia était particulièrement menacée à cause des activités culturelles qu’elle animait « avec des Tadjiks, des Ouzbeks et des Hazaras », autant de communautés détestées par les talibans pachtounes. « Mon nom a été donné aux talibans et on m’a fait savoir qu’il ne fallait pas que je revienne. »

À Kaboul, les femmes regardent avec d’autant plus d’inquiétude ce retour des talibans que la nouvelle génération tend à s’émanciper malgré un poids des traditions encore prégnant. Mina, 32 ans, a ouvert il y a six ans un café, le Simple (elle est la première Afghane à avoir osé une telle aventure), fréquenté par des jeunes plus tentés par les jeans que le kami ou les foulards colorés et le maquillage que la burqa-prison. Un joli lieu, très prisé, cosy et mixte, dans le quartier de Pol-e-Sorkh, où l’on peut lire en anglais sur un panneau à l’entrée : « Mon café, moi-même et ma liberté sont le véritable centre de cette vie. »

Une liberté qu’elle craint justement de perdre ; elle qui ne sort pas la tête couverte fait partie des quelque 500 femmes qui conduisent. « Je crains le retour des talibans, confie-t-elle. S’ils arrivent, ils fermeront cet endroit et ils empêcheront les garçons et les filles d’être ensemble. »

« Je ne suis pas sûre de retrouver mes amis dans un mois »

Zeinab, 29 ans, analyste de données quantitatives, fréquente régulièrement le Simple, un « point de ralliement », comme elle dit, mais qui risque de ne plus l’être car « tout le monde s’en va. Je ne suis pas sûre de retrouver mes amis dans un mois ». Elle-même y songe avec beaucoup d’acuité. « J’ai peur que les talibans arrivent, avoue-t-elle avec un voile dans les yeux. Il y a des pourparlers de paix, mais ça ne veut rien dire. On ne peut pas faire la paix avec ces animaux. »

Un cauchemar éveillé qu’elle tente de refouler mais qui revient, toujours plus fort, de plus en plus souvent. « Il n’y a rien de pire qu’eux. S’ils entrent dans Kaboul, ils me lapideront parce que je ne suis pas mariée et que je ne suis pas vierge. Vous imaginez ce que cela signifie pour eux ? », demande-t-elle dans un sourire triste. « Je ne peux pas être optimiste. Je voudrais que quelque chose de bien arrive. Mais je ne peux pas rêver, je dois être réaliste. »

Un combat de tous les jours

Malgré des évolutions enregistrées depuis vingt ans, depuis le départ des talibans, le combat des femmes afghanes est un combat de tous les jours. Fatima Roshanian le sait bien. Il y a cinq ans, alors qu’elle était encore étudiante, elle a décidé, avec des amies, de créer un journal « pour raconter et refléter les problèmes rencontrés par les femmes, le harcèlement, aussi bien dans la société qu’au travail que dans la famille », explique-t-elle en nous recevant. C’est ainsi qu’est né Nimrokh, qui signifie « profil » en farsi. Afin de protéger l’indépendance de son magazine hebdomadaire, elle a refusé que des organisations le financent et préfère y engager une partie de son salaire.

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