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Émilienne Malfatto raconte le destin scellé d’une jeune fille dont le promis meurt dans un attentat. Enceinte, elle ne doit pas lui survivre. Dans ce court récit, l’auteure, qui connaît bien le pays, en photographie l’âme.

Coup de maître pour Émilienne Malfatto (née en 1989), qui vient de remporter le prix ­Goncourt du premier roman pour Que sur toi se lamente le Tigre. Nous sommes dans l’Irak rural. Sur les cordes à linge « les mêmes voiles noirs sont mis à sécher ». Ici, chaque petite fille connaît le jour où on l’obligera à porter « l’abaya », ce grand « manteau noir » qui fera d’elle une « forme vague et fruste ». C’est un pays où, pour se repérer dans le temps, les femmes disent parfois : « Je ne portais pas encore le voile. » La narratrice est enceinte. Son amoureux a été tué par une bombe à Mossoul. Corps « brûlé, écrasé, effacé ». Ils n’étaient pas encore mariés. Le destin de la jeune femme est scellé, car « chez nous, mieux vaut une fille morte qu’une fille mère ».

Un frère qui se dédouane du crime à venir

Cette brève chronique d’une mort annoncée, telle une tragédie antique, déroule la mécanique inexorable qui va pousser le frère aîné à tuer sa sœur pour sauver l’honneur familial. Chacun prend la parole à son tour, à la première personne. Le fleuve Tigre sinue entre les lignes, témoin muet de ce qui se trame sur ses rives, ce trop-plein de cadavres gonflés qui passent sur « ses eaux rougies », sous les « ponts brisés ». Des bribes de l’épopée de Gilgamesh s’invitent aussi dans les pages. Les femmes de la famille défilent, de la belle-fille (Baneen), à la petite sœur (Layla) et à « la mère ». Les hommes aussi : du grand frère (Amir), au cadet (Ali), jusqu’au puîné (Hassan), sans oublier le jeune promis décédé (Mohammed). Baneen, la belle-sœur, est l’épouse soumise du frère assassin. Conforme aux règles, voilée à domicile, elle balaie le sol, sucre le thé, se farde le soir. Elle est « celle qui observe, juge et condamne ». Amir, le frère aîné, l’assassin, incarne l’autorité masculine, en l’absence du père mort. Il règne sur les femmes, se dédouane du crime à venir sur la société : « Ce n’est pas moi qui tuerai, mais la rue, le quartier, la ville. Le pays. » En lui se tiennent deux discours dont l’un suggère, en sous-texte : « Je vais mourir un peu en tuant. » Hassan, le petit frère, figure le masculin entre deux âges, celui qui peut encore changer. Il déplore de voir « les femmes en fantômes noirs ». Ali, c’est le modéré, « la majorité inerte », soit « le complice par faiblesse ». Il s’avoue « navré d’être un salaud ».

Chez les femmes, il y a Layla, la dernière­-née, « celle pour qui on tue ». On dirait une marionnette entre les doigts du destin. Comment s’émouvoir de celle qui va disparaître, recouverte d’une pelletée de sable ? « La mère », « vieillie prématurément », « corps informe sous les voiles noirs », a vécu sa vie derrière des murs dans un monde « fait pour des hommes ». Elle ne s’opposera pas au meurtre de sa fille. « J’ai, dit-elle, justifié mon monde en le reconduisant. »

Ce récit pénètre au cœur d’une société close sur ses frustrations, ses douleurs tues, tandis que résonne la guerre qui dévore le pays. Un monde régi par le code de l’honneur. Un monde où une femme enceinte, porteuse de vie, se sent morte avant l’heure, comme « toutes les femmes irakiennes, condamnées à la naissance ». Émilienne Malfatto, diplômée de l’école de journalisme de Sciences-Po à Paris, puis journaliste à l’AFP en France et à Chypre, travaille depuis 2015 comme photographe indépendante, principalement en Irak.

Source Muriel Steinmetz, l'Humanité

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