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En jetant de l’huile sur le feu et en appelant au boycott des produits français, Recep Tayyip Erdogan cherche surtout à asseoir la place de son pays sur les scènes régionale et internationale.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, persiste et signe. Mais va encore plus loin. Prenant prétexte des propos d’Emmanuel Macron lors des obsèques de l’enseignant décapité, Samuel Paty, il avait déjà enflammé les réseaux sociaux en ciblant le président français, mettant en doute sa « santé mentale » et l’invitant à « se faire soigner » . Lundi, à l’occasion d’une déclaration télévisée, il a, comme on dit, remis le couvert, insistant sur le fait que le président français est un «  dirigeant nécessitant un contrôle de son état mental ». Il a appelé les dirigeants européens à stopper ce qu’il a qualifié de « campagne de haine qui est dirigée par Macron » contre les musulmans.

Et puis, passant de l’invective aux actes, il a prôné le boycott des produits français. « Tout comme en France certains disent “n’achetez pas les marques turques” (sic), je m’adresse d’ici à ma nation : surtout, ne prêtez pas attention aux marques françaises, ne les achetez pas », a-t-il lancé. Outre le fait qu’on voie mal à quoi il fait référence s’agissant des produits français en Turquie, il a pris bien soin de limiter son appel à la population turque (« ma nation »), bien qu’il sache qu’en ces temps de Facebook, Instagram, Twitter et autres TikTok, ses propos allaient vite faire le tour de la planète.

Icon Quote Les propos adressés par le président Erdogan au président Macron sont inacceptables. Giuseppe Conte, premier ministre italien

Si la France est directement dans le viseur d’Erdogan, celui-ci s’en prend en réalité à tous ceux qui ne pensent pas comme lui. En Turquie comme à l’extérieur. Dans cette joute aux conséquences incalculables pour l’heure, le président turc n’oublie pas d’envisager l’avenir dans son propre pays. Sous ses airs de matamore, il est en difficulté politique sur le plan intérieur. Certes, il a été élu à la tête de l’État dès le premier tour en 2018, mais les élections municipales qui ont suivi se sont traduites par une débâcle pour sa formation, le Parti de la justice et du développement (AKP), et la perte des deux principales villes du pays, Istanbul et la capitale Ankara. Des difficultés essentiellement liées à sa politique économique. La production industrielle a fortement baissé, l’inflation est hors de contrôle et les prix à la consommation s’envolent. Quant aux opposants, ils sont arrêtés, torturés et emprisonnés.

Un Occident accusé de tous les maux

« Une campagne de lynchage semblable à celle contre les juifs d’Europe avant la Seconde Guerre mondiale est en train d’être menée contre les musulmans », a-t-il osé dire, faisant un odieux parallèle avec la Shoah, lui qui ne reconnaît pas le génocide des Arméniens commencé à la fin du XIXe siècle et qui a connu son apogée en 1915. C’est dire si, en réalité, le dirigeant turc fait feu de tout bois. Il veut apparaître comme le seul et unique dirigeant musulman à oser affronter un Occident accusé de tous les maux. Il peut malheureusement s’appuyer sur un puissant courant islamophobe qui sévit en France et en Europe et dont le but est de rejeter tous ceux qui sont musulmans, simples croyants et terroristes islamistes. Comme si tous les chrétiens étaient responsables du massacre perpétré dans deux mosquées à Christchurch en Nouvelle-Zélande, en mars 2019, ou tous les juifs comptables des milliers de morts palestiniens.

Cette stratégie développée par la droite et l’extrême droite sied parfaitement à Erdogan qui, depuis des années maintenant, cherche à être perçu comme l’ultime représentant des musulmans sunnites dans le monde. Une bataille de leadership qu’il mène contre l’Arabie saoudite, gardienne des lieux saints et prétendante à ce titre. Les deux pays du Moyen-Orient d’où sont parties les critiques les plus virulentes à l’égard de la France sont le Koweït et le Qatar. Deux États qui ont reçu Erdogan début octobre et qui entretiennent d’excellentes relations avec la Turquie (notamment dans les domaines économique et de défense), alors que les autres pays du Golfe se sont bien gardés de se manifester.

Ankara dépêche nombre d’imams en France et en Allemagne

Le Qatar et la Turquie partagent également une stratégie relevant du prosélytisme en France et en Europe. S’agissant de Doha, nos confrères Christian Chesnot et Georges Malbrunot ont ainsi révélé dans leur livre Qatar papers (1) les projets de financement par une ONG, la Qatar Charity, de mosquées, d’écoles et de centres islamiques. On pourrait y rajouter les investissements dans les banlieues. Ankara s’est fait fort de dépêcher nombre d’imams en France, mais également en Allemagne. Erdogan, qui avait participé officiellement à l’inauguration d’une mosquée à Cologne, s’est récemment ému d’une descente de police dans l’un de ces lieux de culte.

Mais, loin de toute affaire religieuse, la chaîne d’outre-Rhin ZDF avait, il y a quelques années, dévoilé les liens entre les responsables de ces mosquées et les services de renseignements turcs, le redoutable MIT. Le reportage s’intitulait « Comment les critiques d’Erdogan sont exposées à l’espionnage en Allemagne ». Le but : traquer les opposants au régime, la plupart musulmans. L’Arabie saoudite wahhabite, qui a financé nombre de groupes djihadistes, est bizarrement moins montrée du doigt. Peut-être à cause de ses liens étroits avec la France, notamment dans l’achat d’armements ultrasophistiqués utilisés contre les civils au Yémen.

En réalité, Erdogan n’a pas toujours eu cette attitude envers la France ni envers l’Europe. D’ailleurs, les relations entre Paris et Ankara concernant les affaires dites sécuritaires n’ont jamais cessé. Elles concernent justement le renvoi en Turquie d’opposants, en particulier kurdes comme on l’a encore vu cet été via la préfecture de Gironde. Peu avant sa visite en France, en 2017, Erdogan se félicitait en autres que Paris n’ait pas « laissé tomber » la Turquie sur la question de Jérusalem, alors qu’Ankara a très vivement condamné la décision américaine de reconnaître cette ville comme capitale d’Israël.

Des mercenaires en Libye et une aide accordée à Daech

Il a su également négocier habilement avec l’Union européenne pour garder sur son sol des centaines de milliers de réfugiés syriens. Une affaire économiquement juteuse au regard des subventions que son pays reçoit, qui lui permet également d’avancer ses pions sur les scènes régionale et internationale. C’est sans doute ce qui explique cette arrogance démesurée et ses coups de poker gagnants, que ce soit en envahissant une partie du nord de la Syrie pour combattre les Kurdes, en armant l’Azerbaïdjan ou en envoyant soldats et mercenaires en Libye. Sans parler de l’aide fournie à Daech. Aucun pays ne s’est vraiment opposé à sa stratégie, lié par le dossier des réfugiés syriens. Et puis, le président turc sait admirablement utiliser la carte de l’Otan, organisation dont la Turquie fait partie (et accueille des bases militaires) au même titre que la France et les États-Unis. Ce qui lui permet tous les écarts, ni Paris ni Washington ne souhaitant voir cet ambitieux allié devenir un électron totalement libre.

Il y a quelques jours, alors que les États-Unis lui reprochaient l’achat de missiles S-400 russes et le menaçaient de sanctions, il a répondu : « Vous ne savez pas avec qui vous dansez. (…) Nous ne sommes pas un État tribal. Nous sommes la Turquie. » Voilà pourquoi Erdogan a besoin de jeter en permanence de l’huile sur le feu. Pas parce que les musulmans du monde seraient en danger – bien que le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie risquent de faire imploser nos sociétés –, mais parce qu’il a besoin de cet affrontement non rationnel, la croyance religieuse, pour faire avancer sa seule cause. À cet égard, nous ne sommes peut-être pas au bout de nos surprises.

Source Pierre Barbancey l'Humanité

(1) Qatar papers. Comment l’émirat finance l’islam de France et d’Europe, de Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Éditions Michel Lafon.
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