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Elle a chanté Brel et Gainsbourg. Son « Déshabillez-moi » ne l’empêche pas d’être pudique. Pour sa dernière tournée, intitulée « Merci », elle a choisi de s’arrêter sur la grande scène de la Fête de l’Humanité. Rencontre avec un mythe vivant de la chanson française.

HD. Pourquoi avoir entamé votre tournée d’adieux intitulée « Merci » ?

JULIETTE GRÉCO. Ce n’est pas « Adieu », c’est « Merci». Merci pour tout ce que vous m’avez donné, pour avoir fait de ma vie un rêve éveillé, des années de magie. Je vous ai donné tout ce que j’ai pu mais j’ai reçu beaucoup.

HD. Quel rapport entretenez-vous avec la scène ?

J. G. C’est ma patrie. Dans le monde entier, la scène est mon pays.

HD. Et pourtant, vous la quittez ...

J. G. Il ne faut pas aller trop loin. Il vaut mieux partir avant d’avoir à partir. Il ne faut pas insister trop longtemps. Je fais ce métier depuis 65 ans. C’est déjà une longue vie. Ma tête, mon cœur, ma pensée, mon cerveau fonctionnent très bien. Mais j’ai un corps. Il ne faut pas qu’il faiblisse. Je préfère partir debout avant d’y être obligée.

HD. Pourquoi avez-vous inscrit la Fête de l’Humanité à votre programme de « remerciements » ?

J. G. J’y ai beaucoup d’amis, de souvenirs, d’affection et d’attachement. C’est ma manière à moi d’aider « l’Humanité».

HD. Quels souvenirs conservez-vous de la Fête de l’Huma ?

J. G. J’ai rencontré beaucoup d’amis, comme Roland Leroy, Georges Marchais ou Aragon, mais aussi plein de gens anonymes et inconnus qui venaient vers moi avec affection, tendresse et amitié.

HD. Adaptez-vous votre tour de chant au public de la Fête ?

J. G. Je chante dans le monde entier les mêmes choses pour des gens de culture, de religion et de couleur différentes. Pourquoi je chanterais une chose au Châtelet et une autre à la Fête de l’Huma ? Ce serait irrespectueux.

HD. Comment envisagez-vous votre avenir ?

J. G. Je ne l’envisage pas du tout. Quand je m’y surprends, la nuit quand je ne dors pas, la douleur est grande. Y penser me torture et me fait mal. Y penser est insupportable. Donc je ne veux pas le savoir. Je laisse la vie et le temps faire. Je verrai dans quel état je suis dans un an et demi (à la fin de « Merci » – NDLR). J’ai 88 ans. Je n’ai jamais fait de projets d’avenir. J’ai toujours compté sur la vie et sur les autres. Je n’ai jamais cru à demain. Le matin, je suis toujours surprise d’être là.

HD. Cela permet-il de vivre plus sereinement ?

J. G. Plus fort, avec plus d’enthousiasme. Un jour de plus est une heureuse surprise, un bonheur qui m’est offert. La vie est une chose belle mais je n’ai pas de projets. Je ne me dis pas: « Ah, quand je serai grande ... » ou « quand je serai vieille ...». C’est pour manger tout de suite!

HD. Même si vous arrêtez bientôt la scène, pourra-t-on vous voir au théâtre ou au cinéma ?

J. G. Si je suis là, oui. Si on me propose quelque chose qui me bouleverse ou m’amuse au théâtre, oui. Quand on m’a proposé « Belphégor », je faisais très peu de télévision. Je suis entrée dans le jeu avec une grande surprise et un bonheur formidable. C’était un challenge avec trois rôles différents à l’intérieur de quatre heures de spectacle.
Je n’étais pas là quand il a été diffusé. J’étais en tournée au Japon. Quand je suis rentrée, les quatre épisodes étaient passés. Je pensais qu’avec tous les petits machins que j’avais ramenés du Japon, la douane allait me garder deux heures. Le douanier m’a regardée en me disant:« Passez Belphégor. » Je suis restée comme deux ronds de flanc. C’était une bombe, ce truc. Dans les écoles, on disait que cela traumatisait les enfants. En rentrant, je l’ai reçu de plein fouet à la fois comme des fleurs et des balles de revolver. C’était formidable, amusant et intéressant. Ma fille, qui a maintenant un peu plus de soixante ans, m’a récemment dit: « Je ne te pardonnerai jamais de m’avoir fait aussi peur. » Elle regardait la télé en entrouvrant la porte du salon. Elle mourait de peur et se couchait en tremblant.

HD. Ces 65 ans de carrière ne vous aident-ils pas à relativiser ?

J. G. Chaque chose, chaque instant de la vie sont importants. Chaque chanson est un combat. C’est comme un enfant. Il faut l’amener devant les gens. Il faut qu’ils l’acceptent, faire en sorte qu’ils l’aiment. J’ai eu beaucoup de chansons interdites comme « Maréchal nous revoilà». Cela lui a donné un certain retentissement, a rendu les gens plus curieux. Apparemment, quand c’est interdit, c’est plus amusant. Je prends les choses avec beaucoup de calme. Les refus qu’on m’a infligés ont été constructifs. Le succès est une chose magnifique et l’échec aide parfois.

HD. Il aide en quoi ?

J. G. À faire avancer les choses, à essayer de mieux faire, à comprendre les raisons de cet échec. Le succès est la récompense de tout, c’est le paradis. Mais l’échec est une leçon.

HD. Y a-t-il toujours une explication rationnelle ?

J. G. Non. Pas toujours. Il y a des chanteuses et des chanteurs magni- fiques qui n’ont pas de succès. Pourquoi ? C’est une chose qui fait que l’humilité m’est familière. Il y a des gens que j’ai aimés énormément, comme Catherine Sauvage, une magnifique chanteuse. Elle n’a pas du tout eu la place qu’elle méritait. Pourquoi ? Pourquoi moi ? C’est comme ça. Je ne m’explique toujours pas pourquoi on m’a donné tout cela, pourquoi j’ai eu cette formidable vie, pourquoi je suis arrivée là où je suis. C’est-à-dire à une place étrange et bizarre. Cette question me revient souvent. Mais je suis très heureuse que cela me soit arrivé sans vraiment comprendre pourquoi à moi et pas à d’autres. Le choix du public est une chose étrange. Il aime, il adore et il jette. Ce métier est très cruel. Et magique.

HD. Vous avez aidé de jeunes chanteurs…

J. G. C’est un choix. J’étais la première à enregistrer Brel et Gainsbourg. Je trouvais Gainsbourg beau comme tout. Il avait des yeux magnifiques, des mains superbes, il était intelligent. Les gens le traitaient très mal. Il a eu la plus belle des vengeances qui est celle de l’amour de la jeunesse. Je n’ai confiance que dans la jeunesse ou dans la très grande sagesse.

HD. Vous donnez l’impression d’être toujours accompagnée par ces artistes connus dans le passé…

J. G. Je pense à eux tout le temps. J’ai un coffre-fort avec tous ceux que j’aime. Brel et Gainsbourg ne sont pas morts pour moi. Il y a des gens qui ne meurent pas. Je ne vais pas aux enterrements parce que je ne veux pas avoir de certitudes. Je sais que c’est très chic d’y aller mais cela ne m’amuse pas du tout. Je préfère les garder vivants. Continuer à les chanter veut dire qu’ils sont toujours là. Il y a deux morts. La mort clinique et l’oubli. C’est quand on oublie les gens qu’ils sont morts.

HD. Pourquoi avez-vous écrit si peu de chansons ?

J. G. J’ai écrit quatre chansons que je ne chante pas à cause de ces magnifiques auteurs que j’ai. Ils me donnent des complexes d’infériorité. Et cela me gêne. J’y trouve quelque chose d’indécent.

HD. Qu’entendez-vous par indécent ?

J. G. Je me mets un peu à nu en me chantant. Je suis bizarrement pudique. Le corps est une chose mystérieuse et doit le rester. Quand je vois dans la rue des filles qui ont des jupes au ras du bonheur, je trouve cela dommage. D’autant que ce ne sont pas toujours les plus belles. C’est un beau spectacle mais je préfère la découverte. Le texte et la musique sont importants, et ce n’est pas avec mon corps que je vais vendre ça.

Que vous inspire le monde actuel ?

J. G. Je suis assez contente d’avoir mon âge et de mourir bientôt. L’avenir me fait peur. Or je n’ai jamais eu peur de ce qui allait se passer. Je me suis toujours dit : « On va se battre, l’intelligence va gagner. » J’ai en général un amour profond pour la race humaine. Là, j’ai peur. Nous sommes revenus à la décapitation au sabre, à la barbarie ordinaire. On marche à reculons à toute pompe. Je suis bouleversée et inquiète. Autrefois, quand je voyais une femme enceinte, je souriais. Aujourd’hui, je m’inquiète. C’est terrible. Chaque jour m’apporte quelque chose de beau mais que vat- il se passer ? Où va-t-on ? On va vers le refus des femmes, le racisme ordinaire. On avait fait des progrès, maintenant, c’est fini. On redevient totalement barbare. Ce qui se passe est grave. Il faut un peu se réveiller. Je vois mal cet avenir de peur des autres. Quand j’avais 30 ou 40 ans, il n’y avait pas de clé sur ma porte. C’était sans problème. Maintenant, on ferme et on a des alarmes.

Sources l'Humanité 13 Aout 2015

66 ANS DE SUCCÈS. À 88 ans, Juliette Gréco n’a pas dit son dernier mot. Mais le temps presse si l’on veut la revoir sur scène. En effet, la « Jolie Môme » a entamé au printemps « Merci », son ultime tournée, 66 ans après ses débuts au cabaret parisien Le Boeuf sur le toit. Retour en quelques dates sur la vie de l’interprète de « Déshabillez-moi ». 1927. Naissance le 7 février à Montpellier. 1943. Sa mère, résistante et sa grande soeur sont arrêtées et envoyées en camp de concentration à Ravensbrück. Juliette Gréco échappe à la déportation mais elle est incarcérée à la prison de Fresnes. 1951. Elle enregistre « Je suis comme je suis », premier disque écrit par Jacques Prévert et Joseph Kosma. 1954. Grand Prix de la chanson de la SacEM pour le titre « Je hais les dimanches », signé Florence Véran et charles aznavour. 1960. Elle crée « Il n’y a plus d’après », de Guy Béart. 1963. Gainsbourg, qui lui a écrit des dizaines de chansons depuis 1959, signe « la Javanaise ». 1965. Elle joue dans le feuilleton « Belphégor » 1967. Elle se produit devant 60 000 personnes à Berlin. 1981. au chili, elle irrite des notables du régime de Pinochet en interprétant des chansons antimilitaristes. 1999. Elle chante sur la scène de la Fête de l’Humanité. 2003. Sur « aimez-vous les uns les autres », Manset, Biolay, Miossec ou art Mengo écrivent et composent pour elle. 2009. Orly chap, adrienne Pauly, abd al Malik, Miossec et Olivia Ruiz signent les textes de « Je me souviens de tout ».

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