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Proclamant la non-violence et la démocratie, les islamistes algériens avancent masqués. L’organisation Rachad, héritière du Front islamique du salut, travaille à son émergence sur la scène politique algérienne.

À qui profite la suspension du Hirak, ce formidable mouvement populaire qui a mis à bas le clan Bouteflika, dont les principaux membres, entre politiques et oligarques, dorment aujourd’hui en prison et rendent des comptes à la justice ? Déclenchée le 22 février 2019, cette vaste et inédite contestation du pouvoir aux millions de manifestants, qui ébranlait les grandes villes d’Algérie tous les vendredis, abandonne brusquement la rue, théâtre de son déploiement spectaculaire, à l’arrivée de l’épidémie du coronavirus. Le Hirak se tait, mais la répression ne cesse pas. Les autorités intensifient alors traque et interpellations desdits « perturbateurs », orateurs aux fortes audiences, concepteurs de slogans et autres débatteurs. Objectif : briser l’énergie du mouvement pour éviter son retour, mais pas seulement.

Habilement infiltré, le Hirak se divise progressivement et laisse émerger un courant nationaliste conservateur, base d’appui potentielle au pouvoir en quête de légitimité. « Je me suis engagé à ne pas créer de formation politique. Il me faut néanmoins un soubassement populaire pour pouvoir appliquer mon programme présidentiel. Je me suis porté candidat à la présidentielle au nom de la société civile et des jeunes », explique le président Abdelmadjid Tebboune dans une interview accordée au journal français l’Opinion le 13 juillet dernier. Le chemin est ainsi tracé dans le camp du pouvoir, mais encore faut-il contrer le retour en force des islamistes.

Quasiment inaudibles au sein du Hirak dans les rues d’Alger, ils trouvent depuis lors une audience inespérée dans les capitales occidentales, dont Paris, sur la place de la République, lieu de rencontre habituelle des opposants Algériens. Créée en 2007, l’organisation Rachad, héritière directe du Front islamique du salut (FIS), membre de l’Internationale islamiste, aux comptes blindés par les financements d’Erdogan et du Qatar, y règne sans partage sur les débats. « J’ai découvert, à ma grande surprise, qu’ils avaient la mainmise sur les lieux, leurs éléments y sont solidement implantés. Ils travaillent à noyer les échanges, à casser toute initiative qui ne va pas dans leur sens, à discréditer toute autre organisation, ils ont pour objectif de faire place nette pour laisser libre cours à leur seul discours », décrit Meziane Abane, militant de gauche, fondateur du site des luttes progressistes l’Avant-Garde Algérie.

En France depuis quelques mois, après avoir échappé in extremis à une interdiction du territoire algérien, il mène un combat d’idées. « Ce n’est pas facile, car ils avancent masqués, explique-t-il, ils parlent de démocratie et de non-violence et les gens sont forcément conciliants avec eux au nom du khawa Khawa (tous frères), de l’unité contre le système, c’est d’ailleurs là leur seul slogan, ils sont parvenus à dépolitiser le débat. » Agressé, menacé, sous pression, Meziane ne lâche pas prise pour autant. « Pas question de céder, avec d’autres camarades nous défendons fermement le principe de la double rupture, avec le pouvoir et avec les islamistes. Eux surfent sur la dépolitisation de toute une génération, il faut donc faire le travail inverse, sensibiliser, politiser les jeunes pour les contrer. »

Rachad dispose de créneaux de propagande sur des radios qui émettent à partir de Londres, dont celle appartenant aux rejetons d’Abassi Madani, président du Front islamique du salut (FIS) décédé. Rodée depuis belle lurette sur les réseaux sociaux, l’organisation s’est taillé une part d’audience impressionnante, combinant interventions politiques de ses dirigeants et discours populistes incendiaires, diffamatoires à l’égard de personnalités, voire des appels à l’insurrection armée d’obscurs blogueurs.

Les vidéos d’Amir Boukhors, alias Amir DZ, 32 ans, présenté comme journaliste d’investigation sur la trace des corrompus et corrupteurs, battent des records d’audience. Sa page Facebook compterait quelque 2,5 millions d’abonnés. Sa récente interpellation par les autorités françaises à la suite de plaintes pour atteinte à la vie privée a embrasé les réseaux sociaux. Une fausse nouvelle autour de son éventuelle extradition vers l’Algérie a fait le buzz. Les paroles d’Amir DZ permettent de rabattre des millions de jeunes excédés, sans espoir, vers les islamistes. En Algérie, Rachad trouve à présent une audience sans cesse croissante à la faveur, notamment, de l’obscurantisme qui empoisonne la société, plombe l’esprit de millions de citoyens vulnérables dans le contexte épidémique. Ses dirigeants en exil profitent dans le pays des meilleurs relais qui soient dans la presse de caniveau d’inspiration intégriste, tout autant que dans les chaînes de TV moteurs d’une régression culturelle accélérée. Dès lors, ils ne leur restent plus qu’à fignoler un discours politique en apparence mielleux, excluant l’État islamique et l’État militaire, ralliant nombre de « réconciliateurs », désarmant même des démocrates restés sans voix, désormais prêts à faire alliance avec eux au nom d’une « unité » contre le « système ».

Le jeu est pourtant clair : Rachad, qui gagne au quotidien des centaines, voire des milliers d’adeptes à travers l’Algérie, a pour seul et unique objectif de réussir un retour sur la scène politique à la tête de toute la mouvance islamiste, dans un rôle de locomotive. Le mouvement rêve de renouveler le scénario de 1991 (victoire contestée du FIS aux législatives). Le supposé « non » à un État islamique est un leurre de modernité façon Erdogan, dont la formation (Parti de la justice et du développement) détient toutes les clés du pouvoir. Le président turc ne proclame pas un État islamique, mais la charia n’en est pas moins progressivement introduite dans la législation.

Copieusement financé et écouté, Rachad est sur une autoroute et les pratiques du pouvoir algérien arrangent bien ses affaires. La crise du Covid plonge des millions de jeunes suspendus jusque-là à l’économie informelle dans une précarité absolue. Les harragas (migrants clandestins) ont repris la mer, un phénomène sensiblement en baisse aux plus forts moments du Hirak. La gestion de la crise sanitaire révèle, s’il en était besoin, le délabrement du secteur public de santé. La répression se poursuit aux trousses des militants et dans le monde des médias. Les dirigeants ont pourtant toutes les cartes en main pour apaiser le climat politique, avec la seule libération des détenus d’opinion qui peuplent les geôles, et le recentrage des énergies sur la relance économique.

Les démocrates algériens, quant à eux, sont aujourd’hui tristement affaiblis, même plutôt pusillanimes, incapables de produire un discours de riposte, incapables de se rassembler autour de positions de principe, incapables surtout de tendre la main à une formidable jeunesse ouverte au monde, débordante de créativité. Son déferlement historique au cœur du Hirak confirme qu’elle demeure la seule composante sociale à même de contraindre le pouvoir, dont l’armée, son moteur central, à des avancées démocratiques et sociales réelles, à l’égalité homme-femme, au progrès culturel. L’Algérie, orpheline du Hirak, est sous la menace de l’Islamisme.

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