Musique. Meryem Aboulouafa, le monde depuis Casablanca
Les treize titres confèrent à cet opus traversé de mélancolie un mélange d’efficacité des comptines pop, un héritage du songwriting anglo-saxon et une électro tout droit issue de la french touch, où s’invitent des échos arabo-andalous et la voix suave, limpide et chargée d’émotion de Meryem. « Ce côté international est aussi une réalité actuelle, même si je ne veux pas en faire une généralité à partir de mon cas. Nous sommes vraiment à la croisée de plusieurs cultures. Je suis africaine et arabe de culture, de sensibilité et d’origine, et j’ai des influences occidentales. Cela fait partie de mon quotidien. Ma playlist musicale est composée de morceaux d’un peu partout dans le monde. A utour de moi, on ne consomme pas que des films marocains. Les films que j’aime sont scandinaves, iraniens, américains. C’est un quotidien qu’on absorbe facilement. »
Poétique des langues et mélodies élégantes
En dehors de Je me promets et de Ya Qalbi, deux titres en arabe, l’artiste marocaine écrit ses chansons en anglais. C’est pourtant en français et en arabe qu’elle a écrit ses premiers poèmes. « Avoir le réflexe d’écrire en français et en arabe me semble tout à fait naturel. Mais l’anglais me permet de me cacher et de prendre de la distance sur des sujets très intimes. C’est une langue suffisamment malléable. Elle a aussi une grande simplicité, contrairement à l’arabe et au français qui sont des langues très exigeantes. »
Si elle a débuté en composant ses premières chansons à la guitare, elle a accepté, en travaillant dans un premier temps avec Keren Ann puis, avec Jean-Baptiste de Laubier, alias Para One, compositeur de la musique des films de Céline Sciamma et producteur et arrangeur de Maxime Daoud, « Ojard », venu de l’électro, d’ajouter des instruments. Ainsi, des cordes, un piano ornent ses mélodies élégantes. « Ces collaborations élargissent mon horizon artistique avec des discussions, des idées, des références nouvelles. Chacun arrive avec son histoire personnelle. Ce n’est pas bien de travailler dans sa zone de confort avec toujours les mêmes personnes qui pensent comme nous. »
Ville sauvage pour paysage intérieur
Meryem, très attachée à sa ville natale, continue d’y habiter en attendant la fin du confinement, prévu pour le 10 juin au Maroc, et la reprogrammation de ses concerts. « J’ai beaucoup d’affection pour ce territoire. Casablanca, c’est la ville sauvage et, comme tout sauvage, elle est indomptable, vraie, authentique. Elle a un potentiel incroyable et elle ne s’estime pas assez. » Outre la musique, Meryem mène une carrière d’architecte d’intérieur. Peut-être faut-il chercher là l’une des raisons de l’harmonie de ses chansons ciselées. « Je n’ai jamais fait le parallèle. Ce sont deux façons de s’exprimer un peu complémentaire. Je n’ai jamais projeté la façon d’écrire une chanson en la comparant au processus d’aménagement intérieur. Cela dit, le lien entre la musique et l’architecture d’intérieur est l’image. J’ai une facilité à imaginer mes paroles, l’histoire. Je visualise le tout avant de le transcrire en mots et de voir la mé lodie qui convient le mieux. »
À l’heure des réseaux sociaux, où l’apparence et le look tiennent parfois lieu de revendications, la trentenaire arbore un voile. « J’ai grandi avec une éducation où on s’intéresse beaucoup plus aux idées qu’à l’image, au savoir-être qu’au savoir-paraître. Le voile fait partie de mon paysage casablancais. Il n’a pas été particulièrement réfléchi. Il fait partie de mes croyances et de mes convictions. Il n’y a pas de réflexion particulière en étant soi-même. Je suis simplement moi. »
Meryem, de Meryem Aboulouafa, Anima Records.