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Entretien. Directeur du Laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant (LaPsyDÉ - CNRS), Grégoire Borst participe à plusieurs études lancées pour analyser l’impact du confinement sur les plus jeunes et les conditions si particulières de cette rentrée scolaire.

Sait-on comment enfants et adolescents ont vécu cette période de confinement ?

Grégoire Borst. Il est un peu tôt pour le savoir de manière exhaustive. Une première étude, menée à l’Ehess grâce à des questionnaires en ligne, montre qu’une partie des enfants a pu tirer des bénéfices de cette période. Mais il faut prendre ces résultats avec prudence : les familles qui répondent à ces enquêtes sont, par définition, plus connectées et favorisées que la moyenne. Quand les parents peuvent accompagner les apprentissages de l’enfant, l’école à la maison fonctionne. Mais ce n’est pas le cas pour tous. Le ministère lui-même estime que « 4 à 5 % » des enfants ont été « perdus » pendant ce confinement. C’est beaucoup.

Tout dépend donc des conditions sociales ?

Grégoire Borst. En grande partie oui. Les rapports d’ATD Quart Monde montrent bien que les familles en grande pauvreté n’ont pas accès aux outils numériques, aux classes virtuelles, à diverses ressources. De plus, elles sont souvent loin de l’école, n’ont pas tous les codes pour s’y intégrer. Le confinement a aggravé tout cela.

Avec l’arrêt pendant deux mois de l’école en « présentiel », c’est un repère qui a disparu pour les enfants. Avec quelles conséquences, et quelles différences selon les âges ?

Grégoire Borst. On peut imaginer que l’impact a été plus important pour les jeunes enfants, en maternelle et au début de la primaire, car l’école joue à ces âges un rôle majeur de socialisation. Les enfants apprennent beaucoup via des interactions avec leurs pairs, impossibles dans ce contexte. L’acquisition des compétences socio-émotionnelles, notamment l’empathie ou l’ouverture aux autres, peut s’en trouver retardée. Ensuite, il faut rester prudent. Deux mois de pause, ça correspond au temps des grandes vacances. Cette coupure a certes des effets sur la courbe des apprentissages : les compétences en maths ou en français sont toujours meilleures au début des vacances qu’à la fin. Mais il n’y a là rien de grave : le cerveau d’un être humain, et a fortiori d’un enfant, est fait pour apprendre. Et on apprend aussi en dehors de l’école.

La « reprise » scolaire semble très chaotique et devrait concerner peu d’enfants. Pourra-t-elle se faire au bénéfice des décrocheurs, comme cela est proclamé ?

Grégoire Borst. C’est une vraie interrogation, voire une inquiétude. Il semble que ce ne soit pas ces publics qui répondent le mieux au retour à l’école. L’école sera de plus très différente de « l’avant ». L’interaction sociale, élément essentiel des apprentissages, sera bannie, et la distanciation, la règle. Finie aussi l’école de la diversité, de la mixité socio-économique. Aussi, je ne crois guère à la compensation des inégalités avec cette réouverture. Et surtout, pourquoi ne s’est-on pas préoccupé de ces problèmes avant ? La France a le système éducatif le plus inégalitaire des pays de l’OCDE ! Cela devrait être l’alpha et l’oméga de la politique scolaire de combattre ces inégalités. Et pas seulement à la faveur du déconfinement.

Cette école en physique pour les uns, à la maison pour les autres, peut-elle être mal vécue, d’un côté comme de l’autre ?

Grégoire Borst. Oui. C’est pourquoi il faut parler aux enfants, leur expliquer ce qui se passe. Or, on le fait trop peu. En psychologie sociale, on appelle ça des phénomènes d’endogroupe et d’exogroupe. On peut imaginer qu’entre ceux qui seront revenus à l’école et les autres des stéréotypes naissent, voire des jalousies. Ensuite, si cela ne dure que quelques semaines, il n’y aura rien d’irréversible. Le ministre a demandé que des psychologues scolaires soient présents lors des rentrées, c’est le moins que l’on puisse faire. Car la crise sanitaire a tout de même été traumatisante pour les enfants.

Mais y aura-t-il assez de psychologues dans les écoles ?

Grégoire Borst. Non, c’est évident. Même si leurs missions ont été élargies récemment, leur nombre restera insuffisant. En France, on compte un psy pour 1 600 élèves, contre un pour 400 dans les pays nordiques. « L’école inclusive » passe pourtant par une présence plus marquée des psychologues dans l’éducation, en soutien des équipes pédagogiques.

Pour certains enseignants, les conditions de la rentrée (distanciation, masques) chez les tout-petits relèvent de la maltraitance…

Grégoire Borst. De fait, en maternelle, les enfants acquièrent les compétences par le jeu : imitation, construction, etc. Les faire rentrer pour les contraindre à rester assis, à distance, en permanence, est-ce bien utile ? Pas sûr. De même, s’il n’y a pas une vraie discussion, pour leur expliquer pourquoi tous les adultes portent des masques, et pourquoi eux n’ont pas le droit de jouer avec leurs copains, le retour à l’école peut s’avérer très anxiogène.

Beaucoup ne vont pas du tout rentrer avant septembre. Avec quelles conséquences ?

Grégoire Borst. Je pense que l’impact sera limité, surtout si l’on regarde l’ensemble d’une scolarité. Car les enfants ont appris d’autres choses pendant cette période. En jouant à des jeux vidéo, y compris certains très décriés, on développe des compétences, attentionnelles par exemple. Certes, des savoirs n’auront pas été acquis. Mais cela peut être rattrapé.

Jean-Michel Blanquer a fixé comme objectif que chaque élève retrouve au moins une fois son établissement avant l’été. Vu les difficultés, le jeu en vaut-il la chandelle ?

Grégoire Borst. Si on fait tout ça pour que les élèves ne reviennent qu’une fois à l’école, cela a peu de sens. De plus, tout ne s’est pas arrêté avec le confinement, notamment pour les adolescents : via les réseaux sociaux, ils ont gardé un contact régulier avec leurs amis. On veut diminuer les inégalités ? J’ai peur que cette rentrée très partielle n’y parvienne pas. Et si ce retour à l’école s’accompagne d’une deuxième vague épidémique, le jugement, alors, pourrait être encore plus sévère.

Alexandre Fache, l'Humanité

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