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Entamée en mars, la mobilisation des personnels soignants vit un tournant ce jeudi. Médecins, infirmiers… tous se retrouvent dans la rue contre les politiques d’austérité qui mettent l’hôpital public en danger. Trois chefs de service parisiens témoignent.

Ce n’est pas tous les jours que le corps médical, dans toutes ses composantes, se met en mouvement. Avec l’ensemble des catégories de l’hôpital, les médecins défilent ce jour dans les rues, à l’appel d’une large intersyndicale et de collectifs, pour exiger une autre politique de santé. Aides-soignants, infirmiers et désormais chefs de service, tous dressent un diagnostic alarmant : l’hôpital public se meurt.

Cette entreprise de démolition n’est pas due au hasard

Ce jeudi, Christophe Trivalle, Philippe Lévy et Stéphane Dauger seront eux aussi dans la rue pour alerter sur la détérioration des conditions de travail et de la qualité des soins. Ils travaillent à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le plus important regroupement d’hôpitaux de France, celui censé disposer des moyens les plus importants. Tous font partie du Collectif inter-hôpitaux, fondé en septembre dans le sillage des paramédicaux en grève depuis la mi-mars. C’est sur ce fond de casse de l’hôpital public que ces praticiens portent l’exigence d’investir massivement dans la santé. Car la situation actuelle ne doit rien au hasard : ces dernières décennies, les gouvernements successifs ont imposé aux établissements des économies drastiques. Avec des dépenses de santé limitées cette année à 2,1 % dans le secteur hospitalier, le projet du budget 2020 de la Sécurité sociale va poursuivre l’entreprise de démolition des hôpitaux.

Les conditions de travail déjà pénibles des paramédicaux s’aggravent au rythme des restructurations. « Les infirmières sont en sous-effectif, laminées », affirme Christophe Trivalle, chef de service de gériatrie à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne), membre de la commission médicale d’établissement (CME) centrale de l’AP-HP, l’instance où siègent les représentants élus des médecins. Dans son pôle, trois infirmières et deux aides-soignantes sont en arrêt maladie de longue durée pour épuisement professionnel. « En gériatrie, la charge de travail et la pénibilité sont lourdes. Comme il manque beaucoup de personnel, on leur demande de venir dépanner tel jour, de faire des heures supplémentaires qui ne sont pas payées, regrette-t-il. Tout ça est extrêmement stressant et angoissant. » L’AP-HP ne parvient pas à recruter 490 infirmières en raison du manque d’attractivité du métier.

De la détérioration des conditions de travail découle une autre tendance lourde : la baisse de la qualité des soins. « Il y a deux ans, on a inauguré, avec des petits-fours, en présence de Martin Hirsch (président de l’AP-HP – NDLR), un deuxième scanner. C’est formidable, se rappelle le professeur des universités Philippe Lévy, chef du service de pancréato-gastro-entérologie de l’hôpital Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine). Sauf qu’il l’a fermé il y a trois mois, faute de personnel. » Pour pallier l’absence de soignants, les hôpitaux embauchent en intérim, ce qui n’améliore pas la situation. Chef du service de réanimation pédiatrique de l’hôpital parisien Robert-Debré, Stéphane Dauger raconte : « Il arrive que les compétences des intérimaires en pédiatrie soient extrêmement mauvaises. Nous n’avons pas eu d’accident, parce que c’est compensé par le surinvestissement de ceux qui sont là. » Mais le médecin n’exclut pas l’hypothèse d’un accident : « Je ne veux pas jouer les Cassandre en disant qu’il y en aura, mais je ne suis pas le seul à fortement m’inquiéter. » D’autant que, comme chaque hiver, la situation aux urgences pédiatriques pourrait s’aggraver : leur fréquentation va grimper en flèche, en raison des épidémies de bronchiolites aiguës et de gastro-entérites.

L’obsession de rentabilité nuit gravement au système de santé

Sous pression constante et sans moyens pour bien travailler, les personnels peuvent faire plus facilement des erreurs. Le professeur Philippe Lévy insiste sur l’insécurité grandissante des soins. « C’est un phénomène complètement nouveau. Nous ne l’avions jamais vu auparavant, assure-t-il. De plus en plus de problèmes de sécurité se font jour, au quotidien, tels que des erreurs de soins, des surveillances de moins bonne qualité, des alertes qui ne sont pas données, ou une hypoglycémie sévère qui n’a pas été vue par manque de réactivité. » Et de préciser : « Quand je dis ça, je ne charge pas les infirmières présentes. Mais elles n’ont plus le temps de faire leur métier, nous n’avons plus le temps de les former. Il n’y a plus de transmission des savoirs, il n’y a plus de solidarité au sein des équipes. Cela aboutit à une dégradation des soins. »

Tous s’accordent à dire que l’hôpital paye cher les conséquences des réformes successives en matière de santé. En 2009, la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST) a créé des regroupements de services, gérés par des médecins désormais dans une position de management. « La création des pôles a été une vraie catastrophe », estime Christophe Trivalle, qui souligne les effets pervers de cette réorganisation du travail. « Sans le dire, on nous a supprimé des moyens médicaux et humains, développe-t-il. Par exemple, s’il y avait des postes vaquants, ils disparaissaient en fin d’année du tableau des effectifs. On s’est considérablement appauvri. »

L’obsession de rentabilité nuit au système de santé français. La généralisation de la tarification à l’activité (T2A) fait des ravages. Ce modèle de financement permet d’octroyer un budget aux hôpitaux selon les activités effectuées en leur sein, ce qui pousse à augmenter la productivité. « Il a fallu aussi concurrencer le privé et améliorer notre rendement, déplore Stéphane Dauger. Je pense qu’on l’a fait au bon sens du terme avec une amélioration des pratiques pendant quelque temps. On a été tellement bons, surtout en pédiatrie où nous n’avons pas de concurrence directe, que nous avons explosé les compteurs. » Mais le principe de la T2A présente un défaut majeur : « On a beau augmenter l’activité, on nous réduit la tarification de l’acte pour rester dans le budget serré de l’Ondam (objectif national de dépenses de l’assurance-maladie – NDLR) », fustige le praticien.

Loin, très loin des missions du service public hospitalier

Même les services spécialisés les moins exposés aux restrictions budgétaires finissent par en pâtir. Dans son pôle, Stéphane Dauger estime que la situation est très critique : « Pour la première fois, en treize ans, j’ai fermé cette année plusieurs lits de réanimation. Chez nous, jusque-là, un enfant entrait en réanimation, que l’on soit assez nombreux ou pas. Cette époque est complètement révolue », estime le médecin. Il constate aussi, dépité, la fermeture de plusieurs lits de réanimation pédiatrique dans les hôpitaux parisiens, faute de personnels.

Dans le service de soins de suite et réadaptation, Christophe Trivalle a fermé 9 lits sur les 52 ouverts, ce qui a des conséquences lourdes sur la prise en charge des patients. Il se retrouve « obligé de refuser des malades ». « J’ai des urgences, des médecins, des familles désespérées qui m’appellent, mais je suis obligé de dire non, je ne peux pas, pas maintenant, j’essaye de trouver une solution. Quand je ne peux pas les prendre, ils vont aux urgences. Les urgences les envoient dans le privé. Le privé, lui, les renvoie aux urgences… » Loin, très loin, des missions du service public hospitalier, dont la vocation est d’accueillir tous les patients.

Ces trois médecins demandent la réouverture de lits, l’embauche massive de soignants, l’augmentation des salaires pour tous les personnels hospitaliers. Ils réclament aussi la hausse du budget de la Sécu et la révision de la tarification à l’activité. « Il faut vraiment un plan Marshall pour l’hôpital, exige Christophe Trivalle. Tant qu’on sera dans une politique de restriction budgétaire, l’hôpital va s’écrouler. »

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