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Charlie Chaplin aurait eu 130 ans. À cette occasion, la Philharmonie de Paris lui consacre une exposition et met en lumière ses talents de musicien et de compositeur. Entretien avec la commissaire associée de l’exposition, Mathilde Thibault-Starzyk.

L’aura du personnage Charlot aura éclipsé les multiples facettes du talent de Chaplin. La Philharmonie de Paris nourrit la noble ambition de faire redécouvrir ses talents précoces de musicien. Au travers d’une exposition riche de pédagogie et servie par une scénographie sobre et élégante, Chaplin est donné à voir et à écouter. Affiches, machines à bruitages, peintures, photographies viennent témoigner de l’intense créativité d’un des pionniers des bandes originales et des bruitages. Chez Chaplin, la musique fait corps avec les images.

Chaplin fêterait ses 130 ans. Charlot est omniprésent dans la perception de son œuvre. Comment par cette exposition avez-vous réussi à déconstruire cette image ?

Notre volonté était davantage d’apporter un nouveau regard que de déconstruire. Nous avons opté pour le prisme de la musique. Il semblait important de rappeler la dimension musicale de l’artiste. Un aspect peut-être moins connu de son œuvre. Au-delà du personnage iconique, nous voulions aborder son enfance et son rapport au music-hall. Il commence très tôt la musique par la pratique du violon. L’instrument est d’ailleurs exposé. Notre choix s’est également porté sur l’homme et le musicien avant même le personnage de l’écran. Un travail d’archives a permis de découvrir des documents inédits sur son rapport au travail ou à son œuvre.

Chaplin est l’un des premiers cinéastes à intégrer et accorder autant d’importance à la musique. Comment cette facette a pu s’effacer avec le temps ?

Il faut dans un premier temps replacer sa musique dans un contexte. Chaplin devient mondialement connu six mois seulement après ses débuts devant la caméra. Charlot fut un instrument formidable pour lui asseoir une notoriété au point peut-être d’écraser les autres aspects de sa personne. Son image de vagabond est si forte qu’elle a construit l’imaginaire du XX e siècle. La preuve en est avec « Monsieur Verdoux » où, délaissant Charlot, Chaplin est vite oublié dans ce rôle. Il en est de même pour ses compositions. Notre exposition n’est certes pas la première à traiter ce travail de musicien, mais elle permet de le rappeler. Chaplin appréhende la musique comme une autre facette de son art. Sa musique se désolidarise très rarement de son travail de réalisateur et d’acteur. Elle complète ses œuvres et lui permet un contrôle total. Par ailleurs, quand il se consacre uniquement à la musique, le succès n’est pas au rendez-vous. En 1916 par exemple, il se lance et ses partitions furent un échec.

Né de parents musiciens, il vient au cinéma presque par erreur…

Chaplin n’anticipe en rien une carrière au cinéma. À la faveur d’une tournée aux États-Unis avec la troupe de Fred Karno, il est débauché par Mack Sennett, directeur du studio hollywoodien Keystone. Il transposera d’ailleurs dans ses premiers films les recettes qui l’ont rendu célèbre sur les planches du music-hall. Il s’appropriera progressivement le médium cinéma en tant que tel.

On lui prête des origines tziganes. Sa petite-fille Carmen prépare un documentaire sur le sujet. Ont-elles eu une incidence sur son rapport à la musique ?

Chaplin l’a mentionné dans son autobiographie. On lui prête également des racines juives. Ses origines ont davantage d’influences sur sa précarité et ses mouvements que sur sa musique elle-même. Artiste très tôt, il a fait des tournées. Son choix du violon s’explique par la facilité de transport. Le violon de Chaplin, comme le violon tzigane, répond à un besoin de portabilité. Les voyages ont influencé ses musiques. Chaplin est un homme du voyage, est-il tzigane pour autant ? Je laisse à Carmen le soin d’y répondre mieux que moi.

La musique est partie prenante de son cinéma. L’exposition semble faire un contre-pied où la musique prend le pas sur l’image. Est-ce un parti pris de votre part ?

La musique chez Chaplin est intrinsèquement liée à son œuvre. Les gags de Chaplin sont créés à partir d’une musique ou d’un rythme qu’il a en tête. Au montage, qu’il assure lui-même, les successions de plans sont eux aussi en adéquation avec ce rythme. En 1927, l’arrivée du cinéma sonore lui permet encore davantage de poursuivre cette démarche. Chez lui tout est rythme. Le film « les Temps modernes » en est la parfaite illustration. Toutefois, Chaplin ne compose qu’après le montage. Il regarde le film pour ensuite composer au plus près des images. Il est peu habituel en tant que spectateur de délaisser l’image au profit de la musique. Mais, si nous avions à cœur de sélectionner des scènes visuellement fortes, nous voulions mettre l’accent sur la musique. Certains gags ou scènes pourraient par ailleurs presque se passer d’image. Certains bruits dans « le Dictateur » sont des gags en eux-mêmes, au même titre que certaines musiques sont en elles-mêmes sublimes. Je pense par exemple à « Smile », tirée des « Temps modernes » et reprise par Nat King Cole.

Chaplin déclara qu’il avait l’ambition de devenir un artiste de concert. Nourrissait-il une amertume face à cet échec ? Le cinéma n’est-il pas qu’une procuration ?

De son propre aveu, Chaplin se tourne vers le cinéma, s’estimant n’être pas assez doué pour la musique. Toutefois, l’amertume n’a guère de place dans la mesure où il a toujours fait ce qu’il a voulu. À dessein, il crée United Artists, sa société de production. Il demeure libre de choisir ses projets et sa manière de travailler. Chaplin a toujours imposé sa propre volonté. D’autant que ses talents de compositeur et de musicien ont été reconnus de tous. Chez lui, deux logiques s’affrontent. Il garde de ses années music-hall auprès de Fred Karno la leçon suivante : une musique ne doit pas souligner une image mais venir en contrepoint. Une scène triviale, par exemple, doit être accompagnée d’une musique légère et distinguée. Toutefois, il lui arrive de calquer la musique sur la scène jouée. Il attribue certaines musiques ou certains instruments à certains personnages. On parle de leitmotiv wagnérien le concernant.

Icône populaire adoubée par les artistes de son temps et les avant-gardes, comment a-t-il réalisé cette jonction ?

Le phénomène est intéressant. Il convient de rappeler que les premières salles de cinéma sont fréquentées par les couches très populaires. La « plèbe » allait voir Chaplin. Longtemps ce loisir fut considéré comme « dangereux ». À ce titre, il est devenu une icône populaire. Parallèlement, il existe une particularité des intellectuels français. Très tôt, ils se sont intéressés à ce loisir populaire. Chez Dada ou les cubistes, il existe une recherche d’authenticité populaire en évitant l’intellectualisation. Cependant, ils s’emparent de Charlot pour en faire un personnage d’avant-garde, une icône de la modernité. Il est parfois utilisé à contre-pied de ce que veut vraiment Chaplin. Charlot est perçu comme l’incarnation de la technologie et du progrès. Or, Chaplin en fait la critique, notamment par « les Temps modernes ». Toutefois ces intellectuels ont contribué à sa notoriété. Cette particularité transforme Chaplin en icône en France. Il est devenu un incontournable de la « grande » culture et du cinéma. Chaplin ne jouit pas de la même aura en Grande-Bretagne. Il demeure méconnu.

Chaplin est un homme engagé, antifasciste assumé et victime du maccarthysme…

Chaplin est autodidacte. Il est d’extraction populaire. Il a grandi dans un quartier pauvre de Londres puis est devenu rapidement riche et célèbre. Cette particularité lui confère la faculté de parler aussi bien aux grands de ce monde qu’aux ouvriers. Chaplin a travaillé très jeune. Le thème de la faim parcourt son œuvre. Chaplin n’oublie jamais d’où il vient et continue à parler au peuple. Tout au long de sa carrière, il s’identifiera aux ouvriers, d’autant qu’il est conscient que son succès émane du peuple. Il est très politisé et demeure très informé. Par ailleurs, il ne s’est jamais laissé dicter ce qu’il avait à faire. De là proviennent ses difficultés avec les États-Unis. Il refuse les injonctions. Jamais il n’a pris la nationalité américaine car il entendait demeurer libre. Pour « le Dictateur », les studios ont fait comprendre que le sujet n’était pas le bienvenu… Il a réalisé le film. Il cultive une liberté et une fraternité.

Charlie Chaplin, l’homme-orchestre, exposition jusqu’au 26 janvier à la Philharmonie de Paris. Rens. : https://philharmoniedeparis.fr/
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