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«Hors normes», d’Olivier Nakache et Éric Toledano sort en salles le 23 octobre. Aux origines de ce film lumineux, l’histoire de deux associations uniques, le Silence des justes et le Relais Île-de-France, qui œuvrent main dans la main pour accueillir de jeunes autistes dont aucune structure ne veut. Reportage.

À peine la porte franchie que Loïc, un imposant gaillard d’un mètre quatre-vingt-dix, arrive droit sur vous et vous tend la main avec un « bonjour » franc et direct. Et il se rassoit aussitôt. Une première visite au Silence des justes surprend toujours. Dans ce bâtiment du 19 e arrondissement de Paris, une trentaine d’ados sont accueillis le jour. Eux, ce sont des jeunes atteints de troubles du spectre autistique (TSA) aux situations complexes. 9 h 30. Chaque jeune, accompagné par son éducateur référent, arrive au fur et à mesure. Certains ne communiquent qu’avec des sons. Alors il y a des cris, beaucoup de mouvements. Mais les éducateurs gèrent incroyablement bien. Djibril Yoni, le chef de service, sourit. « Moi aussi, le premier jour, je me suis demandé ce que je faisais là ! »

Dans un coin, des jeunes plus autonomes recherchent des stages, une formation en apprentissage. Liam, bientôt 18 ans, essaie de trouver avec l’aide de son éducateur un travail en lien avec les animaux. « Je voudrais les soigner, leur donner à manger », dit-il. Il énumère, non sans fierté, les stages déjà effectués en entreprise : la boulangerie, les rayons d’une grande surface… Dans une autre pièce, Virgile est en atelier apprentissage avec son éducateur référent. Dans des assiettes numérotées, il doit mettre le nombre de jetons correspondant. À l’espace détente, Yves s’est allongé pour feuilleter une revue alors qu’Eden préfère danser au son d’un clip en vogue diffusé sur son téléphone portable. Il y a les As, les Ginkos, les Avengers… des petites équipes de cinq ou six, où les jeunes sont répartis en fonction de leur âge, de leur autonomie. Et puis le lieu se vide. Chacun part avec son éducateur pour des activités où ils seront en immersion avec des jeunes « ordinaires ».

Du un pour un

Pour le directeur de l’association, Stéphane Benhamou, tout débute en 1992. Alors responsable d’un centre de vacances, on lui demande s’il peut inclure dans son équipe un jeune ado autiste, Johann. Pourquoi pas. « Les dix premiers jours ont été catastrophiques, on ne comprenait pas grand-chose. Alors j’ai questionné les ados. Ils ont eu une réponse simple : il faut qu’il vienne dans notre équipe. Il va suivre notre programme et on verra bien. C’était l’idée ! Chaque jour, on découvrait un meilleur Johann alors qu’on était passé à côté d’un tremblement de terre ! » Le psychiatre Moïse Assouline, qui dirige l’hôpital de jour d’Antony (Hauts-de-Seine), est bluffé par la métamorphose de Johann. Il fallait faire un projet éducatif ! L’association le Silence des justes naîtra officiellement en 1996. L’objectif : accueillir des cas complexes, ces jeunes autistes dont aucune structure ne veut. Avec un éducateur pour chacun, du un pour un. Au même moment, Daoud Tatou, éducateur à l’hôpital de jour d’Antony, animait des ateliers hip-hop. Stéphane Benhamou entend parler de son travail. Il veut le rencontrer.

Un juif pratiquant et un musulman pratiquant, ça ne pouvait pas le faire, forcément… « Et ça l’a très bien fait ! » se marre Daoud Tatou. Vingt ans ont passé, et les deux hommes continuent à œuvrer ensemble au sein de structures inédites en France. Le Relais Île-de-France, dirigé par Daoud Tatou, accueille 15 jeunes autistes tous les jours. Une prise en charge temporaire, l’objectif étant de diminuer les troubles du comportement de la personne autiste et de permettre un accès à une institution. Le Silence des justes, lui, accueille 215 enfants, ados et jeunes adultes dans différentes structures, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et à Paris. L’association gère des appartements qui reçoivent le soir certains de ces jeunes. Ensemble, ils organisent des vacances, des sorties. Et tous célèbrent le ramadan ou le shabbat. « C’est devenu une union sacrée sans le vouloir, car pour nous c’était une évidence », s’amuse Daoud Tatou.

CROYANTS, ATHÉES, BLANCS OU NOIRS

C’est cette histoire que raconte « Hors normes », le très beau film d’Olivier Nakache et Éric Toledano, en salle le 23 octobre. « Aujourd’hui, vous rencontrez l’ONU au Silence des justes ! » rigole Stéphane Benhamou. Certaines éducatrices portent le voile, des éducateurs la kippa, et d’autres rien du tout. Ils sont croyants, athées, blancs ou noirs. Lorsqu’il était en stage, Djibril Yoni avait été marqué par « la grande bienveillance de l’équipe. Avec les enfants, mais aussi avec les stagiaires, les débutants. Peu importe l’ordre hiérarchique, tout le monde était sur le terrain ». Lui, le musulman, découvre le judaïsme. « Il y a une très grande ouverture d’esprit. Toutes ces personnes semblent ne rien avoir en commun. Mais notre but à tous, c’est l’autisme ! » Et il l’assure : « Notre force, c’est la cohésion d’équipe et la solidarité. »

DES ÉDUCATEURS ISSUS DES QUARTIERS

La particularité du Relais Île-de-France est de former des jeunes des quartiers populaires. Des sales gosses qui parfois « faisaient le mur ». Depuis presque vingt ans, une centaine d’entre eux ont été formés par le Relais et 84 ont obtenu un diplôme. Beaucoup seront embauchés par le Silence des justes. Daoud Tatou se souvient : « Il fallait faire accepter que des mecs de banlieue qui n’étaient pas formés à la base s’occupent des cas les plus complexes dont personne ne veut. C’était difficile à avaler. Heureusement, le docteur Assouline nous a énormément aidés. » Hamid Kacer fait partie de ceux passés par là. Aujourd’hui, il occupe un poste d’éducateur spécialisé à l’hôpital de jour d’Antony.

C’est la mission locale du 20 e arrondissement de Paris qui lui avait proposé un stage au Relais. « J’arrive, je vois un jeune qui voulait se taper la tête contre les murs… Je me suis dit “qu’est-ce que je fais dans ce monde ?”. » Finalement, il termine le mois, qui « va passer très vite ». Et décide de revenir. « J’avais besoin de comprendre. » En 2014, il signe un contrat d’avenir avec la mission locale et le Relais. Peu de temps plus tard, l’équipe et les jeunes autistes partent tous en séjour au ski. « Là, j’ai pris une claque. Je me suis rendu compte du travail des parents au quotidien. Je me suis senti comme jamais : utile ! J’avais trouvé ma voie. »

PÉNURIE DE PLACES

Il y a quelques jours, Sophie Cluzel se rendait au Silence des justes. La secrétaire d’État chargée des personnes handicapées venait auparavant de présenter un plan pour limiter l’exil d’adultes handicapés en Belgique. Faute de solutions en France, quelque 7 000 citoyens français, enfants et adultes, sont hébergés de l’autre côté de la frontière. Or, le financement des places en Belgique représente pour la France un budget de 500 millions d’euros. En Belgique, certaines structures privées gardent dans la poche une partie de l’argent versé par la Sécurité sociale française. Et les conditions d’accueil ne sont pas toujours des plus bienveillantes.

En Wallonie, entre 6 000 et 8 000 personnes travaillent dans ces « usines à Français », comme on les appelle. Parallèlement, en France, « il manque 37 000 places pour accueillir des personnes autistes », tempête Daoud Tatou. L’Unapei (personnes handicapées mentales et leurs familles) estime que plus de 47 000 personnes handicapées étaient sans solution d’accueil fin 2015. Cette rentrée, 8 000 enfants n’ont pas pu faire leur rentrée en classe, selon le Collectif citoyen handicap, faute d’un manque criant d’auxiliaires de vie scolaire (AVS). Des situations douloureuses qui obligent souvent les parents à adapter leur emploi du temps. Selon une étude du ministre de l’Éducation nationale, 40 % des mères et 6 % des pères ont réduit leur activité ou cessé de travailler pour accompagner leur enfant. Et ils sont nombreux à taper à toutes les portes sans trouver de solution. Pour les cas les plus lourds, ne reste souvent que l’hôpital psychiatrique.

Yvette Deles se souvient avec un tremblement dans la voix de ce mois d’août 2015, lorsque sa fille, Amélie, alors âgée de 11 ans, s’est retrouvée sur le balcon, un couteau à la main. « Elle hurlait qu’elle était une extraterrestre, qu’elle voulait mourir. » À l’hôpital, le verdict tombe : TSA. « Elle a dû prendre beaucoup de médicaments, c’était impressionnant. » Et puis elle a commencé à frapper sa mère et devenir violente verbalement. « J’allais au travail couverte d’hématomes. » En 5 e, Amélie refuse d’aller au collège. Yvette tombe en dépression. Deux hospitalisations, deux tentatives de suicide. « J’ai avalé des cachets, j’étais à bout. J’avais l’impression que personne ne nous écoutait. » L’aide sociale à l’enfance décide de placer une éducatrice à domicile. « Amélie l’a giflée, tapée. Elle n’a plus voulu revenir. » À l’hôpital de jour où une place se libère, Amélie fugue, puis avale des cachets. « Ils ont jeté l’éponge… » Elle sera alors hospitalisée à Robert-Debré six mois, avant que le juge ne la place au Silence des justes. « Nos sauveurs ! Enfin, les choses étaient prises au sérieux ! »

PARENTS EN DÉTRESSE

Stéphane Benhamou connaît bien la détresse des parents. « Beaucoup divorcent. Certains pensent au suicide avec leur enfant, car ils ont peur qu’adulte, il se retrouve seul, sans structure. » L’homme le sait : la prise en charge qualitative est d’un très haut niveau en France. « Elle est futuriste car innovante. On sait diagnostiquer, soigner, avec des équipes pluridisciplinaires. Et pour ceux qui ont la chance d’avoir une place, c’est tout de suite la lumière. Ce qu’il manque, ce sont les structures. » Des associations comme le Papotin, les Turbulents redoublent d’initiatives, de projets d’inclusion. Des villes comme Saint-Denis consacrent 500 000 euros pour accompagner les enfants autistes de la ville dans les centres de loisirs et de vacances. Des avancées existent. Mais le retard reste énorme. « Aujourd’hui, nous avons les clés pour en sortir. Il faut une volonté politique et des moyens », martèlent d’une seule voix Stéphane Benhamou et Daoud Tatou.

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