RADIO(S)

Alerte info
CHANSONS ROUGES INFORMATIONS ET MUSIQUES EN CONTINUE : Musiques rouges, variétés 24h sur 24h et journaux et flashs à 7h, 8h, 9h, 10h, 12h, 13h, 14h, 16h, 18h, 19h, 20h, 21h, 22h, 23h MOSAIK RADIOS : En cliquant sur le logo en bas à droite vous pouvez écouter une autre station du groupe Mosaik Radios : Classik Radio. CLASSIK RADIO VOUS PROPOSE MUSIQUES CLASSIQUES, JAZZ ET FLASHS D'INFORMATIONS : Classik Radio, les plus belles musiques, les plus grands compositeurs, magazines et journaux à 7H, 8H30, 9H, 12H30, 13H, 15H, 17H, 18H30, 19H, 22h EMISSIONS ORIGINALES ET EXCLUSIVES PROPOSEES PAR MOSAIK RADIOS : Diffusées sur Chansons Rouges et Classik Radio : Histoires des fêtes de l'Humanité, la légende...héroïques femmes dans la résistance...histoires des chansons de variétés...histoires des chansons révolutionnaires...125 biographies au service de l'humanité...les bons mots de l'histoire...vies et œuvres des compositeurs et musiciens classiques... LES TRESORS DU CINEMA, LES PLUS BELLES MUSIQUES : Sur Chansons Rouges et sur Classik Radio tous les samedis de 14h à 15h




Emplois du temps infernaux, classes éclatées, évaluations déstabilisantes : les deux premiers mois de mise en œuvre de la réforme du bac mettent à rude épreuve enseignants et élèves, au moral comme au physique. Pour les uns comme pour les autres, l’avenir s’inscrit dans un halo d’inquiétude. Décryptage.

1 . La classe : un collectif éparpillé façon puzzle

Christophe, professeur dans un grand lycée du Sud-Ouest, joue les comparaisons : « Pour la réunion parents-profs des secondes, on avait une dizaine d’enseignants. Pour celle des premières, comment faire avec 40 profs qui interviennent pour chaque classe ? » De fait, la disparition des filières et l’organisation autour d’un libre choix de trois spécialités en première, puis deux en terminale, ont eu définitivement raison du « groupe classe », ce noyau essentiel de l’éducation nationale nécessaire à la création de dynamiques autour de projets et d’apprentissages.

Faisons les comptes. Trois matières du tronc commun (français, histoire-géo et sport), normalement assurées par un seul enseignant ; les deux langues vivantes qui doivent se pratiquer par groupes de 20, ce qui, avec 30 à 35 élèves (voire plus) par classe, implique deux profs pour chaque langue ; un « enseignement scientifique », qui remplace à la fois les maths et les sciences, le tout avec des enseignants différents : nous dénombrons déjà neufs profs. Ajoutons les trois spécialités, dont certaines, composites (« histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques », « humanités, littérature et philosophie »…), impliquent au moins deux intervenants. Certains élèves, selon leurs choix, voient défiler en face d’eux une quinzaine, voire une vingtaine d’enseignants. Et comme, dans chaque classe, les choix de spécialités varient selon les élèves, les classes à 30 enseignants deviennent la règle. Le Snes-FSU pointe d’ailleurs un record : 50 profs ! Dans ces conditions, comment connaître tous les élèves et, surtout, assurer à chacun le suivi pédagogique auquel il a droit et dont les plus fragiles ont encore plus besoin ?

Dès lors, organiser le conseil de classe devient mission impossible. Ou alors, reprend Christophe, « certains profs seront là tous les soirs de 16 heures à 20 heures tout au long de la période des conseils », soit un mois à chaque trimestre. Des adaptations seront donc obligatoires, comme la présence des seuls profs du tronc commun (impliquant un lourd travail d’information et de coordination avec leurs collègues de spécialités), la réduction du nombre de conseils dans l’année (deux au lieu de trois), etc. Autre problème de taille : « Dès le conseil de classe du deuxième trimestre, en première, se joue un choix d’orientation capital pour l’avenir de l’élève, avec l’abandon d’une des trois spécialités. » Ainsi, les professeurs principaux pourront-ils assumer la mission de guider les choix d’orientation des élèves, qui leur incombe désormais, en plus du reste ?

2. Le quotidien des élèves : la course à l’échalote

Vous aimez les problèmes de maths ? Bienvenue dans le monde merveilleux de la réforme du lycée « à la carte », que vous ont mitonnée le chef Blanquer et sa brigade. Comment trouver 12 heures par semaine, des heures communes pour enseigner leurs trois spécialités, à raison de 4 heures chacune, à une bonne trentaine d’élèves qui peuvent provenir de quatre, cinq classes (ou plus) différentes ? Vous avez tout l’été pour résoudre l’équation, puisque c’est pendant les vacances que les proviseurs et (surtout) leurs adjoints ont dû constituer des emplois du temps. Si ceux-ci n’ont jamais été une sinécure, l’exercice a viré cette fois au casse-tête, niveau grand maître international. Sans surprise, les résultats ont été… très divers.

Principe devenu incontournable, il a fallu prioriser des créneaux pour ces spécialités. Moins difficile dans les lycées qui proposent le service minimum, soit sept spécialités. Carrément infernal dans les établissements qui offrent les douze spécialités. C’est le revers de la médaille pour ceux qui ont voulu jouer les bons élèves de la réforme et, surtout, éviter à leurs élèves de devoir changer de lycée pour aller suivre – sous réserve qu’on les y accepte – une spécialité inexistante. Les autres cours, ceux du tronc commun (français, histoire-géo, langues vivantes, sport et « enseignement scientifique »), qui représentent 16 heures au total, doivent être casés là où il reste du temps.

Résultat ? Des emplois du temps « à trous », comme on n’en avait encore jamais vu. Exemple : 2 heures de cours le matin, 2 heures de cours l’après-midi… mais rien entre les deux. Éric, parent d’élève dans l’Essonne : « Ceux qui habitent près du lycée peuvent rentrer chez eux. Ceux qui habitent dans les communes alentour, faute de transports en commun, vont au CDI ou traînent dans le centre commercial tout proche. »

Quittons les maths pour aborder la physique. Selon le principe des vases communicants, les journées n’étant pas extensibles, qui dit jours « à trous » dit aussi jours en surcharge, bien remplis de 8 heures du matin à 19 heures. Même des organismes jeunes et en pleine forme ont du mal à tenir le coup, surtout quand, en outre, ils n’ont plus le temps de manger. Nos confrères du Parisien ont ainsi recensé moult exemples d’élèves qui devaient choisir de sécher une heure de cours pour se restaurer, d’autres qui n’avaient que 25 minutes pour gober un sandwich – pas le temps de faire la queue au self – à l’extérieur du lycée car il est interdit de manger à l’intérieur ! Stress, fatigue, mauvaise qualité de vie et d’alimentation : sur ce plan, la réforme s’avère totalement indigeste.

3. Contrôle continu : ombres et brouillard

Sur le pont de la réforme, l’orchestre dirigé par Jean-Michel Blanquer joue sa partition sans faiblir et surtout sans (volonté de) voir l’iceberg qui approche. L’obstacle s’appelle « E3C », comme « épreuves communes de contrôle continu ». Dans le nouveau bac, le contrôle continu comptera pour 40 % de la note finale, dont 30 % pour ces nouvelles épreuves en trois séquences : janvier et juin en première, juin en terminale. Ainsi, en deux mois effectifs, les élèves devront composer sur l’histoire-géo et les deux langues vivantes (plus les maths en série technologique).

Le risque que font courir ces évaluations – préparées, organisées et corrigées localement – vis-à-vis du caractère national du diplôme est déjà bien identifié (voir l’Humanité du 10 octobre). Mais il n’est pas le seul problème posé aux élèves et aux enseignants. L’organisation de ces épreuves et leur rythmicité constituent en soi une difficulté. « On doit faire le programme sur 36 semaines, explique un prof de philo, mais on perd un grand nombre d’heures pour préparer ces évaluations. » La progression pédagogique elle-même devient un souci. « Les collègues de maths ou d’histoire-géo se disent que s’ils sont absents quinze jours d’ici à janvier, en formation ou pour maladie, leurs élèves seront en retard en janvier, ajoute-t-il. Cela met une pression terrible. Avec le contrôle terminal, on avait beaucoup moins de problèmes pour lisser la progression pédagogique sur toute une année. »

Mais notre interlocuteur voit poindre un autre danger. « Cela risque de niveler les évaluations par le bas, car, pour contourner ce problème, on n’évaluera plus sur la totalité du programme qui aurait dû être vu, mais seulement sur la partie commune. On dérivera ainsi vers un “bac maison”, selon les établissements. Et cela finira par se savoir et créer des différences entre les lycées. » De fait, la réforme prévoit que le caractère national et égalitaire du bac sera préservé avec la création d’une banque nationale de sujets (toujours pas disponible, selon nos informations, plus d’un mois après la rentrée). Mais tout comme l’organisation des épreuves, la correction sera bel et bien locale. Au Snes, on indique que les commissions académiques d’harmonisation œuvreront « uniquement sur des bases statistiques ». Autrement dit, pour faire coïncider les notes finales avec les résultats attendus par le ministère, afin de prouver le bien-fondé de sa réforme. Qui a dit que tout cela était mal préparé ?

Olivier Chartrain, l'Humanité

Partager