Tour de France 2019 : Pour Pinot et Bardet, l’année où jamais ?
«On
ne veut jamais rester le dernier Français au palmarès », répète souvent
Bernard Hinault. Rendez-vous compte : c’était en 1985. Une sorte de
préhistoire du vélo qui a pourtant façonné des mémoires communes, autant
par habitude que par frustration. Depuis, le Tour de France cherche son
héros national et s’accommode mal de cet orphelinat imposé qui, chaque
juillet revenu, nous incite à poser la même question : « Alors, c’est
pour cette fois ? » Et pourquoi pas.
Le profil montagneux du parcours
2019, la part limitée des contre-la-montre et, surtout, les contretemps
de plusieurs favoris ouvrent le jeu de manière plutôt inattendue pour
Thibaut Pinot et Romain Bardet. Exit Chris Froome, carcasse fracassée
lors du dernier Dauphiné. Exit Tom Dumoulin, exsangue physiquement. Sans
ces cadors du peloton, tous deux présents sur le podium 2018,
quelque-chose semble avoir changé dans les têtes des suiveurs, comme si
ce coup de pouce devait transformer un rêve en destin. Sans se fixer
d’objectif au général,
Pinot, magistral vainqueur du Tour de Lombardie, se veut formel : « Pour moi, la base, c’est de lever les bras et le plus tôt possible sera le mieux. » Quant à Bardet, comme à son habitude, il tourne sa langue à vide : « J’ai l’habitude d’attaquer le Tour avec beaucoup d’humilité. Ce début de saison n’a pas vraiment répondu à mes attentes. Le meilleur est à venir. »
À Bruxelles, tapissée d’effigies d’Eddy Merckx pour honorer son premier succès en 1969, beaucoup en doutent. Car sous leurs nouvelles couleurs Ineos, les ex-Sky (devra-t-on les nommer ainsi durant trois semaines ?), certes dépouillés du « boss » et quadruple vainqueur Froome, n’entendent pas renoncer à une hégémonie profitable et paramétrée. Le tenant du titre gallois,
Geraint Thomas, 33 ans, débarque
dans l’inconnu depuis sa lourde chute et son abandon sur le Tour de
Suisse. À ses côtés chez Ineos, un gamin colombien de 22 ans, Egan
Bernal. Attention, phénomène. Grimpeur d’exception, coureur complet,
sang-froid monumental quand il prend ses responsabilités, comme en
attestent ses deux triomphes sur Paris-Nice et le Tour de Suisse.
Ajoutons à ces qualités l’assistance d’une formation scientifiquement expérimentée dans le gain, coûte que coûte, du maillot jaune… Le chronicœur, pour sa trentième participation, se trouve ainsi devant une nouvelle interrogation de circonstance : comment croire que Bernal, malgré sa jeunesse, laissera passer son Tour ? Comme le disait le regretté Laurent Fignon : « Quand on peut gagner à 22 ans, on gagne, un point c’est tout ! » Et il l’avait prouvé.