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En offrant ses faveurs « à la libre entreprise et l’économie de marché », Yannick Jadot, député européen EELV, engage son parti dans une rupture politique autant qu’économique. Et laisse entendre, faussement, que la crise environnementale pourrait se résorber dans l’économie libérale.

L’écologie est-elle soluble dans l’économie libérale ? La question est maintenue en suspens depuis la campagne des élections européennes et encore plus depuis leur conclusion. En décochant 13,5 % des voix le 26 mai, Yannick Jadot, tête de liste d’EELV, n’a pas uniquement créé une demi-surprise (depuis mars, des sondages laissaient entrevoir la possibilité d’un « coup » électoral pour la formation verte). Il a rebattu les cartes d’une écologie politique qui avait finalement réussi à choisir son camp : la gauche. Ce temps a passé, ne cesse plus d’assurer le chef de file désormais élu, qui plaide pour une écologie centrale. Une écologie qui ne serait plus ni de gauche, ni de droite, mais à même d’interpeller « toutes les familles de pensée qui se sont forgées dans un monde infini pour libérer la notion de développement de l’illusion productiviste et croissanciste », notait, dès septembre dernier, Julien Bayou, porte-parole du parti, interviewé par le média en ligne le Vent se lève. Épinglée, derrière ces mots, une gauche qui, pour défendre des valeurs sociales et solidaires, s’est construite sur des visées productivistes qu’elle partage à la droite.

Prétendue indépendance idéologique

Le PS, le PC, la FI sont dans la ligne de mire d’une partie des cadres d’EELV. Surfant sur une aspiration qui, cet hiver, a fait descendre dans la rue des citoyens de toutes obédiences pour exiger des décideurs qu’ils mettent en actes l’urgence climatique, ils autoproclament aujourd’hui leur indépendance idéologique comme un rempart à la crise environnementale. Quitte à jeter avec l’eau du bain une bataille antilibérale que les Verts avaient peu ou prou faite leur.

Née en bonne et due forme en 1974 avec la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle, héritière antiproductiviste d’une pensée de gauche post-soixante-huitarde, tiers-mondiste, féministe, pacifiste, théorisée dans sa portée anticapitaliste par le philosophe Félix Guattari, l’écologie de gauche n’en est pas à son premier déboire. « Le premier à la remettre en cause a été Antoine Waechter », rappelle Paul Ariès, politologue et penseur de la décroissance. En 1986, celui qui se hissait alors à la tête des Verts engageait la formation sur le terrain du « ni-ni » politique, déjà ponctué d’alliances avec le centre droit. « C’est Dominique Voinet qui, en 1993, marquera leur retour dans le girond de la gauche », reprend l’essayiste. Un come-back sacré par leur participation au gouvernement gauche plurielle du premier ministre socialiste Lionel Jospin, en 1998. Identifié comme un supplétif au PS, le parti a longtemps peiné à trouver ses propres marques. Mais chaque fois qu’il l’a fait, c’est à gauche que le fer a battu. Daniel Cohn-Bendit, Jean-Vincent Placé ou plus récemment, Pascal Canfin, Pascal Durand et François de Rugy : ce sont ceux à qui cela ne convenait pas qui, souvent, sont sortis des rangs.

Est-ce à dire que Yannick Jadot signe, avec vingt-cinq ans de recul, la victoire d’Antoine Waechter ? « Non seulement, mais cela va encore au-delà », estime Paul Ariès. « Il introduit une seconde mutation idéologique. Le ni-ni de Waechter était purement politique. Celui de Jadot est également économique, qui réhabilite l’économie de marché comme un partenaire à part entière de la lutte environnementale, au détriment de l’économie sociale et solidaire, ce tiers-secteur qui restait un pilier de l’idéologie écologiste. »

Certes, le député européen module ses propos en fonction de son public. « Il faut transformer le modèle de développement, sortir du capitalisme financier, combattre ce libéralisme prédateur », déclarait-il au magazine écolo et altermondialiste Reporterre le 14 mars dernier.

Une autre tonalité transpirait, quinze jours plus tôt, dans les colonnes du Point, où le candidat vert vantait « la libre entreprise et l’innovation », ou encore les compétences de Michel Barnier, vice-président du très libéral Parti populaire européen et candidat à la tête de la Commission européenne.

Ses salutations à l’économie de marché lui ont valu jusqu’aux égards du Medef qui, après avoir auditionné plusieurs candidats aux européennes, l’a jugé le plus convaincant de tous. Yannick Jadot « n’était pas dans l’écologie punitive et il a su parler du rôle des entreprises », estimait, fin mars, le syndicat patronal.

Cette réhabilitation, en outre, ne se fait pas sans un cortège d’autres ruptures. Sémantiques, quand le terme d’innovation technologique ou financière, cher au libéralisme, a pris le pas sur celui de créativité, prisé par le secteur de l’écologie sociale et solidaire. Rupture dans la chaîne des responsabilités, aussi, alors que l’idée du « tous partenaires » pour sauver le climat élimine l’idée de lutte des classes.

Or, au niveau mondial, « les 10 % les plus riches sont responsables de près de la moitié des émissions, et les 1 % les plus riches émettent à eux seuls plus de carbone que la moitié la plus pauvre de la planète », rappelle Thomas Piketty, économiste et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris, dans une chronique parue dans le Monde la semaine dernière.

« La transition écologique doit absolument être sociale », abonde Dominique Méda, philosophe et sociologue française. « À la fois par souci de l’efficacité – on ne fera pas la transition contre les gens – comme l’a parfaitement montré la révolte des Gilets jaunes, insiste-t-elle. Mais aussi parce que le souci de justice doit continuer de nous obséder. »

Celle qui a fait du travail et de la post-croissance ses sujets d’études va même plus loin, assurant que la reconversion écologique peut permettre de faire mieux en matière d’égalités. « La reconversion écologique va consister en une vaste restructuration industrielle. Des secteurs entiers vont fermer, d’autres, plus intensifs en main-d’œuvre vont se développer. Ce processus peut être très créateur d’emplois. D’une part, parce qu’une agriculture sans pesticides, des processus moins coûteux en énergie exigent plus de travail. D’autre part, parce que nous pouvons le distribuer et le partager comme on l’a fait avec la première loi Aubry, en réduisant collectivement la durée du travail. »

« Écologie positive » martelée

À entendre Yannick Jadot, enfin, le système, rappelé à l’ordre par une société politiquement œcuménisée, pourrait faire amende honorable et racheter ses fautes. Tout en se disant favorable « à la libre entreprise et l’économie de marché », le député européen martèle ainsi son envie d’une « écologie positive, pragmatique », qui viserait les solutions concrètes, tel le développement des énergies renouvelables.

En charge de l’Observatoire des multinationales, Olivier Petitjean n’y croit pas. « D’abord, parce que la visée du capitalisme est de faire des profits, dont la maximisation est incompatible avec la crise climatique et sociale que nous traversons », explique-t-il. Certes, dans le sillage de la COP21 et de la signature retentissante de l’accord de Paris, les grandes compagnies des secteurs les plus polluants ont fait mine de revoir leurs trajectoires. « Ce changement de discours des multinationales, entre autres pétrolières, est incontestablement lié à la pression de la société, mais il traduit un détournement du problème », poursuit le spécialiste. D’abord, parce qu’en arrière-plan des discours ­surnage toujours, en contrepartie, le refus de toute contrainte imposée par les États. Surtout, « les analyses réalisées montrent que toutes les annonces faites en matière de développement des énergies vertes masque le fait que de nouveaux gisements de pétrole et de gaz continuent à être ouverts chaque année ».

In fine, aucune des grandes ­compagnies mondiales n’a encore, à ce jour, mis le pied sur une trajectoire d’émission compatible avec une limitation de la hausse des températures de moins de 2 °C.

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