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Yvon Le Maho, écophysiologiste (1), directeur de recherche au CNRS, pointe l’incompétence des élites en matière environnementale et scientifi que, et l’influence des lobbies sur les décideurs politiques.

Peut-on dire que la 6 e extinction de masse est en cours et pourquoi ?

Oui, en raison de son importance et de sa rapidité, on peut la qualifier de grande extinction. Qui plus est, cette extinction a avant tout des causes humaines directes comme le montre notamment une récente étude du WWF. Entre 80 et 90 % de la baisse actuelle de la biodiversité est liée aux actions humaines : surexploitation des ressources marines, urbanisation, agriculture intensive, disparition des milieux naturels, déforestation… Ce diagnostic est clair. Et si on a une grande inquiétude du fait du changement climatique, c’est parce que celui-ci aggrave cette destruction. C’est la goutte d’eau qui va faire déborder le vase.

Le mot « biodiversité » peut sembler parfois abstrait Qu’entend-on exactement par biodiversité ?

La biodiversité est l’ensemble des organismes vivants qui nous entourent et dont nous faisons partie. Mais ce n’est pas seulement cela. C’est l’interaction entre les espèces. Prenons la morue, la pêche a été interdite dans les années 1980. Pourtant, les stocks ne sont pas remontés. L’une des raisons est que la morue se nourrit de harengs, mais, comme on surexploite le hareng, les morues adultes mangent les jeunes morues. La destruction des poissons de petite taille impacte ainsi considérablement les oiseaux. La disparition des insectes entraîne celle de leurs prédateurs, oiseaux, hérissons, lézards, amphibiens, qui, par ailleurs, protègent les cultures en éliminant limaces et chenilles. Cette notion des interactions est extrêmement importante et on le réalise souvent trop tard. Je côtoie des scientifiques qui ne connaissent pas suffisamment cette notion d’interaction entre les espèces, de lutte entre prédateurs. Ils ont une approche que je qualifierai de scientiste. Comme si leur seule science allait tout résoudre.

Nous connaissons le rôle vital pour l’homme des insectes pollinisateurs, les trois quarts de nos cultures en dépendent, mais moins celui d’autres espèces. Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Le meilleur exemple que l’on peut donner, souvent peu compris, est l’introduction volontaire du loup dans le parc de Yellowstone (États-Unis). L’amélioration des écosystèmes a été incroyable. En fait, l’excès de mammifères herbivores provoquait une absence de régénération des boisements, de la flore, qui a été rétablie par l’introduction du loup dont quasi-personne ne voulait. Et on s’étonne que l’introduction d’une espèce invasive déséquilibre tout un écosystème, toutes les chaînes alimentaires.

L’homme est-il donc en train de scier la branche sur laquelle il repose ?

L’action humaine porte atteinte aux services écosystémiques, c’est-à-dire aux services que lui fournit la nature. En faisant disparaître des espèces, il compromet son alimentation. C’est le cas, par exemple, des poissons pélagiques (de haute mer). Avec leurs acides gras polyinsaturés, ils font du bien pour la santé, contrairement à la graisse saturée du bœuf ou du porc. Sur les côtes du Banc d’Arguin, une très belle réserve naturelle de Mauritanie, d’une remarquable biodiversité, des bateaux usines, de la taille d’un terrain de foot, venant des Pays-Bas, pêchent le long de ces côtes très riches en poissons. Ils font disparaître les ressources de la pêche artisanale locale qui nourrit la population. Les pêcheurs locaux ont demandé à aller pêcher dans la réserve, n’ayant plus en mer ce qui leur permettait de vivre.

Autre exemple du péril que fait courir la surexploitation. Celle des sardines et des anchois en Afrique du Sud a provoqué la prolifération des méduses. Il est très difficile de revenir en arrière. De même, en faisant disparaître, sur les côtes de Guyane, la tortue luth. La femelle pèse 500 à 800 kg et se nourrit quasiment exclusivement de méduses. Elle en épure des quantités ! C’est un service rendu que l’on fait disparaître. De tels services se voient surtout lorsqu’ils disparaissent. Ce que nous craignons est que le changement climatique parachève cette action.

De quelles façons le changement climatique aggrave-t-il la destruction de la biodiversité ?

Un exemple concret : dans les années 2000, dans les îles subantarctiques (Crozet, Kerguelen), nous avons découvert que le manchot royal mâle peut assurer les trois dernières semaines de l’incubation. L’éclosion de l’œuf pouvant être retardée d’une dizaine de jours par les aléas climatiques. Le mâle est alors capable de nourrir le poussin à l’éclosion. Cela veut dire qu’il conserve du poisson dans son estomac, poisson pêché quinze jours plus tôt, et conservé à 37 °C. C’est là que, grâce à Hubert Curien, ministre de la Recherche, nous avions découvert que les manchots royaux produisent une molécule. Une molécule antimicrobienne que l’on a identifiée, puis fabriquée par biotechnologie et qui s’est révélée extrêmement efficace contre le staphylocoque doré et l’aspergillus, les deux principaux responsables des maladies nosocomiales. Notre objectif est d’en faire un médicament. Le manchot royal, ce champion de la survie en milieu hostile, est aujourd’hui menacé par le réchauffement et par la fragmentation de son habitat. 70 % cette espèce pourrait disparaître d’ici la fin du siècle.

Malgré les nombreuses alertes lancées depuis longtemps déjà, comment expliquer que rien n’a freiné, rien ne freine ce processus de destruction ?

D’abord parce que l’homme cherche le rendement à tout prix. Ce rendement passe par une monoculture intensive, industrielle. Et là l’homme met tout en danger. Avec le Roundup, le glyphosate, on va faire disparaître toutes les plantes, puis on va semer des graines qui résistent au glyphosate et créer ainsi de véritables déserts. Une terre morte. Comme si on donnait à l’homme des antibiotiques quand il n’est pas malade. Autour de vignobles alsaciens traités au glyphosate, il n’y a plus de micro-organismes, plus de vers de terre. Tout cela est une indication de la destruction que l’on opère.

Cela veut-il dire qu’il faut changer profondément nos modes de production et de consommation, de système économique ?

Il y a un mouvement vers un grand changement avec l’agriculture bio et il y en aurait beaucoup plus s’il n’y avait pas le risque de ne rien gagner pendant plusieurs années tant sont pauvres et en retard les aides de l’État.
En Alsace, un ingénieur agronome a hérité des vignes de son oncle il y a une vingtaine d’années. Il a non seulement décidé de faire une vigne biologique, donc de bannir tous les pesticides, mais il a remis la biodiversité au cœur du vignoble. Ses vignes sont un écosystème : il y a des araignées qui vont piéger les petits papillons que l’on tente de détruire à grande dose d’insecticides. Il produit deux fois moins de grappes de raisin. Elles sont plus petites. Mais elles sont mûres et d’une très belle qualité sanitaire. Il a fallu qu’il attende sept ans pour que cet écosystème se reconstitue. Il faut avoir les reins solides. À côté, ceux qui ont des terres mortes, des vignes au glyphosate produisent beaucoup plus que ne le permet l’AOC. Alors, ils détruisent la moitié de leur récolte pour ne pas dépasser le quota. Et garder le label AOC. Mais, le pire de l’absurdité du système, c’est quand, tout récemment, l’AOC a mis en demeure l’ingénieur-vigneron de « nettoyer » ses vignes sous peine de perdre le label.

L’alerte lancée aux dirigeants, le 6 mai, par les experts de la plateforme sur la biodiversité sera-t-elle enfin entendue ?

Le problème est que les élites qui sont aux responsabilités n’ont aucune compétence en environnement et aucune compétence scientifique. C’est un vrai problème. Comment peuvent-ils comprendre ces enjeux ? Les lobbies, eux, arrivent à convaincre et à influencer les hommes politiques.

Que pensez-vous, franchement ? Est-il trop tard ? Peut-on encore faire quelque chose. Et que faire ?

Non, ce n’est pas trop tard. Il y a certainement des espèces que l’on ne va pas empêcher de disparaître, qui sont en danger critique. Par exemple, pour les tortues, c’est très mal parti. Une démarche qui serait extrêmement efficace est de créer, très rapidement, des corridors biologiques ainsi que des aires marines protégées. C’est quelque chose de concret qui peut être mis en place.
On sait, depuis la création du canal de Panama et de réserves de ce type, que, pour une même surface, des populations circonscrites ou qui ont une continuité, sont protégées. Là où il y a discontinuité, à savoir un espace naturel en mosaïque (chaque partie de la mosaïque coupée des autres), la biodiversité diminue de manière dramatique. Il suffit de mettre des corridors biologiques ou des couloirs écologiques pour voir une réaugmentation vraiment spectaculaire de la biodiversité. Et ça, c’est quelque chose de simple à faire. Mais il faut le faire vite. Le temps presse.

(1) - YVON LE MAHO. Écophysiologiste, directeur de recherche au CNRS, université de Strasbourg. Membre de l’Académie des sciences et de la Fondation Albert-Ier-de- Monaco.
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