Musique. Leïla Martial, funambule des cordes vocales
Elle avait subjugué le public, à la Fête de l’Humanité, lors de Jazz’Hum’Ah ! 2017. Revoilà Leïla Martial sur le devant de la scène, avec un CD étourdissant, Warm Canto, sorti sur le label indépendant Laborie Jazz, que nous saluons pour son attention aux jazzwomen. Il s’agit du 3e disque à son nom, et du 2e avec le trio Baa Box, qu’elle a fondé avec Pierre Tereygeol (aux diverses guitares, ukulélé, voix) et Éric Perez (batterie, percussions, voix, etc.). En véritable instrumentiste, Leïla Martial maîtrise son organe, dont elle semble extraire tout ce qui est possible, et même l’impensable. Virtuose, donc, mais intensément poétique, elle révèle à l’auditeur des contrées insoupçonnées, en profonde complicité avec ses deux chevronnés confrères. Dans Warm Canto, ses différentes techniques (jodel, diphonie, halètement…) nous donnent parfois l’impression d’être projetés en pleine forêt tropicale ou sur la banquise de l’Arctique, chez les Pygmées ou les Inuits, pour une envoûtante danse autour du feu.
L’écouter en live est impressionnant. Allez boire un bol de vertige à l’une de ses prestations scéniques. Après son concert au Duc des Lombards (jeudi), Baa Box enchantera entre autres, en juin, Rio Loco et le Montreuil Jazz Festival, puis, en juillet, le Paris Jazz Festival, le Festival Radio France Montpellier et Jazz in Marciac, « son école, sa maison ». Leïla pourrait être l’héritière de Bernard Lubat ou de l’intrépide (et regrettée) Annick Nozati, pour l’audace de sa créativité et pour sa conscience sociale. La funambule des cordes vocales dédie son art « aux oubliés du système, à toutes les victimes du mondialisme ».