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Chef des députés communistes, André Chassaigne est l'invité du grand entretien politique. Europe, Macron, Mélenchon.... C'est quoi être communiste en 2019 ?

Propos recueillis par Olivier Pérou pour le Point

La femme d'André Chassaigne n'est pas communiste, mais il lui arrive de sermonner son mari sur le sujet : « On ne vous entend plus, vous les communistes, on a l'impression que vous n'existez plus. » Il faut dire que les onze députés du PCF ne courent pas les médias. Sans doute sont-ils moins braillards que Jean Luc Mélenchon et ses Insoumis, leurs voisins sur les bancs de l'Assemblée Nationale. Les deux hommes ont d'ailleurs quelques divergences... Qui sont-ils, finalement, ces communistes de 2019 ? De l'aveu même de Marc Fesneau, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, « les députés communistes forgent le respect car ils amènent beaucoup de hauteur aux débats dans l'hémicycle [...] Tout le monde aime les communistes ». Un commentaire qui flattera les députés du groupe et leur moustachu de chef de file. Au Point, l'élu du Puy-de-Dôme livre sa vision de l'Europe et de la France, tout en égratignant macronistes et Insoumis.

Le Point : Quel regard portez-vous sur la tribune d'Emmanuel Macron sur l'Europe ?

André Chassaigne : Il y a une très grande ambiguïté dans le comportement du président de la République. Il veut porter le débat au niveau des grands enjeux européens, mais il en fait, in fine, un instrument de politique intérieure. La contradiction, c'est que lui et le gouvernement font l'inverse de la plupart des objectifs qu'il fixe dans ce texte. Il parle d'un salaire minimum européen, faisant sienne l'une de nos propositions, mais lui-même en France refuse de tirer vers le haut le smic. Il l'a fait de façon articficielle début décembre avec la hausse de la prime d'activité.

Il évoque un bouclier social pour chaque travailleur européen alors qu'il remet en cause le fondement de la sécurité sociale, l'un des emblèmes de solidarité à la française au niveau mondial en supprimant les cotisations sociales et en augmentant de manière injuste la CSG, etc. Ce qu'il dit du progrès social, c'est quasiment mot pour mot ce qu'il y avait dans le traité de Lisbonne en 2008. Autre exemple : il nous parle de la défense européenne – et c'est salutaire –, mais dans le même temps il précise bien que ce sera en lien avec l'Otan. Une défense européenne qui, de fait, resterait sous l'indépendance des États-Unis. Moi aussi, je suis opposé au repli sur soi, au populisme et au nationalisme, mais encore faut-il remettre en cause le tout marché qui brise tout. Tant que l'on restera dans une politique aussi libérale, avec une compétitivité infra-européenne aussi brutale, les peuples européens ne s'y retrouveront pas. Je suis d'autant plus étonné de voir que lui, l'un des chefs d'État européens le moins populaire dans son propre pays, s'arroge ce leadership européen.

Pourtant, l'Europe n'avance plus. Il faut la réformer, c'est un constat partagé de tous. Certains, à droite comme à gauche, prônent parfois l'Europe à deux vitesses. Ne serait-ce pas là une porte de sortie pour changer l'Europe ?

J'y suis radicalement opposé. C'est la même chose d'ailleurs en France quand certains disent qu'il y a d'un côté la politique agricole compétitive et la politique agricole de proximité et des circuits courts et que les deux ne doivent pas interagir ensemble. Je suis pour une Europe ambitieuse et dont certains pays tirent vers le haut les normes sociales de l'union...

Des premiers de cordées européens ?
(Rires) Il faut que certains tirent les autres vers le haut, aussi la politique environnementale, la politique d'immigration, etc. L'Europe, on la sauvera ensemble, en étant extrêmement ambitieux mais surtout en ne lâchant pas les autres. Car c'est ce que l'on a fait avec l'Italie. On les a lâchés sur les questions d'immigration. Les Italiens ont dû supporter une crise européenne, sans l'aide des alliés de l'Union. Et on voit ce que cela a donné.

Sur bien des plans, les pays membres parviennent de moins en moins à tisser des accords à l'unanimité. Prenez la taxation des Gafa : l'Irlande dit non et cela risque de faire tomber le texte à l'eau. Que faut-il faire ? Une politique de la chaise vide à la De Gaulle ?

Non, au contraire. Il faut de la sévérité. On ne peut pas accepter que la Hongrie gère ainsi la politique d'immigration tout en bénéficiant de certaines aides financières européennes. On ne peut pas concevoir qu'il y ait, d'un côté, un très grand volontarisme européen pour lutter contre les produits phytosanitaires et les pesticides et que, d'un autre côté, des pays s'arrangent pour pouvoir utiliser le glyphosate pendant encore dix ans, voire plus. Il faut de la sévérité sur les paradis fiscaux à l'intérieur de l'Union. Comment peut-on imaginer aujourd'hui que l'Union européenne ne mette ni l'Irlande, ni les Pays-Bas, ni le Luxembourg dans la liste des paradis fiscaux ? C'est du laxisme ! Par ce comportement-là, on accompagne un délitement de l'Europe et son rejet par les peuples. Les discours d'Emmanuel Macron sont bien beaux, mais s'il ne saisit pas plus sérieusement les dossiers fondamentaux, le rejet va s'accentuer et le nationalisme prendra le dessus. Cela passe aussi par la remise en cause des traités. Un point de discussion que l'on a avec Benoît Hamon.

Dans l'appel pour une liste de rassemblement, il ne remet pas en cause les traités. On n'arrivera pas à réformer l'Europe sans cela. Car au fond, je crois qu'en ces temps de crises, le sentiment d'appartenance à la communauté européenne peut l'emporter dans beaucoup de pays. Le Brexit, c'est une leçon de choses.

En France, la crise des Gilets jaunes et le grand débat national qui le suit révèlent une forte demande démocratique. Le fameux RIC révocatoire est une des mesures-phares sorties des débats – voulue notamment chez les Gilets jaunes les plus radicaux. Y êtes-vous favorable ?
Le sujet de la démocratie active me tient particulièrement à cœur. Régulièrement, je fais l'élaboration de projets de loi avec des citoyens de la circonscription. Mais même ceux qui ont la volonté politique de les associer – comme je le fais – le font mal. L'appétit est plus grand. Il faut que se créent de véritables mécanismes qui permettent d'intégrer le citoyen dans la prise de décision. Tout le monde fonce sur le RIC comme un taureau sur la muleta en considérant que c'est le summum de la démocratie. Nous y sommes favorables, mais pas au RIC révocatoire. Quand on regarde la proposition des Insoumis sur la question, il y a du souci à se faire ! Si dix habitants d'un village de 500 habitants demandent la révocation de leur maire, il peut s'en aller.

Dans la proposition de loi que nous déposerons prochainement, nous présenterons un RIC qui permettra à un million de citoyens, s'ils le souhaitent, de soumettre une proposition de loi à référendum, après saisine a priori du Conseil constitutionnel, afin de s'assurer que le texte n'est pas contraire aux droits fondamentaux. Le mécanisme sera le même pour demander l'abrogation d'une loi. Nous voulons également que le CESE joue un rôle actif dans notre dispositif, puisqu'il sera chargé d'émettre un avis susceptible d'éclairer les débats. Ce bouleversement démocratique est nécessaire. Aujourd'hui, les socialistes tentent de le faire sur le rétablissement de l'ISF et il leur manque encore une vingtaine de signatures de parlementaires.

Si on arrive à réunir les parlementaires, encore faut-il rassembler plus de 4 millions de signatures. Ce n'est pas une mince affaire et ça éloigne d'autant plus le citoyen du débat.

Autre demande populaire : la baisse du nombre de parlementaires. Et pourtant, vous vous y opposez. D'aucuns diraient que vous comptez rester agrippé à votre siège...

C'est une manipulation du gouvernement. Par le biais de l'exigence démocratique qu'expriment les Français, la macronie va répondre par des propositions qu'ils portaient déjà dans la réforme constitutionnelle bloquée par l'affaire Benalla l'été dernier. La proposition de réduire est fondamentalement antidémocratique ! Comment peut-on avoir davantage de lien entre la population et ses représentants si ces derniers sont hors-sol et n'ont plus aucun lien avec leurs administrés ? Je suis député d'une circonscription qui compte 130 000 habitants, 132 communes et qui fait une centaine de kilomètres de long sur en moyenne 40 de large. On est 5 députés dans le département du Puy-de-Dôme. Si on se retrouve à trois demain, comment je fais pour écouter ces Français-là ?

Il n'y aura plus aucun lien entre le peuple et ses représentants. L'idée pour Emmanuel Macron, c'est d'éloigner les députés du terreau citoyen. Il veut que les députés soient les intestins silencieux de la bouche élyséenne digérant uniquement ce que l'exécutif décide. Ce n'est pas le rôle du parlementaire. On a une Ve République qui est à bout de souffle, c'est vrai, mais la réforme constitutionnelle d'Emmanuel Macron porte indéniablement un renforcement du pouvoir exécutif. Même De Gaulle n'aurait pas osé.

Et pourtant, il parle de République décentralisée...

Emmanuel Macron parle beaucoup. Il aime les effets d'annonce, mais la réalité sur le terrain est autre. Croyez-vous que les collectivités locales vont bien ? Non. Croyez-vous qu'elles soient en capacité de mieux diriger leurs dossiers ? Non. Je ne vois pas ce qu'on peut décentraliser, puisqu'elles n'ont plus de moyens pour fonctionner.

Comment le grand débat doit-il se conclure ? Par un référendum, de nouvelles mesures ou un changement de Premier ministre ?

La meilleure façon, c'est de retenir les cinq propositions des communistes de l'Assemblée nationale (rires). On a une proposition sur l'augmentation du smic qui accompagne en même temps les PME et des TPE en réorientant le CICE, le rétablissement de l'ISF et le passage de 5 à 9 tranches d'impôts, revoir sérieusement le calcul de l'allocation adulte handicapé, redirection du livret de développement durable pour qu'il ne finance pas l'économie carbonée ; et une dernière proposition pour sanctionner davantage les élus condamnés à des délits ou des crimes. Tous ces sujets remontent des discussions que les élus communistes ont eues avec les citoyens dans le cadre du grand débat national. Emmanuel Macron doit répondre sur tous ces sujets qui remontent du grand débat national : justice sociale, justice fiscale, justice environnementale et justice républicaine. Sans ça, le grand débat national risque d'être un échec mortifère pour la démocratie française dont personne ne se relèvera.

C'est quoi être communiste en 2019 ?

J'ai été conseiller régional pendant huit ans et j'ai siégé pendant deux ans avec Valéry Giscard d'Estaing. Il avait une forme de sympathie à mon égard et à celui des communistes de son assemblée. Il me convie un jour et me dit : « Monsieur Chassaigne, je voudrais vous poser une question. Pourquoi êtes-vous communistes ? » Je lui raconte mes racines ouvrières, mon enfance dans une cité Michelin à côté de Clermont-Ferrand et mon quotidien de lutte des classes. Et il m'écoutait, l'air passionné et avec beaucoup de respect, parler de la vie comme un combat quotidien pour faire avancer les revendications sociales. Aujourd'hui, le mot communiste a pour moi un sens supplémentaire. J'aime le mot « commun » qu'il y a dedans. Je crois qu'il faut travailler collectivement, comme on tente tous de le faire avec le grand débat national quelque part même s'il y a beaucoup de choses à redire. Prenez l'économie sociale et solidaire : j'y crois plus qu'aux nationalisations. L'image égalitariste du communiste comme Aragon le définissait derrière l'expression « l'homme communiste » n'a plus de sens. Alors il faut apporter une réponse collective à l'individualisme du capitalisme en réinventant des modèles comme les sociétés coopératives par exemple. Voilà une belle invention qui inspire les communistes.

Et être communiste aux côtés des Insoumis de Jean-Luc Mélennchon qui, lui, occupe beaucoup l'espace politique et médiatique, est-ce difficile ?

Il faut qu'on joue notre basket. Le gros problème du Parti communiste français, c'est que depuis des années il joue dans l'ombre des autres. Il n'a pas porté sa propre politique : il a été à la remorque du Parti socialiste puis à celle de Jean-Luc Mélenchon pendant deux élections présidentielles, en 2012 avec le front de gauche et en 2017. En ne jouant son propre jeu, le PCF est devenu inaudible et est quasiment sorti du paysage politique. La grande responsabilité vient de nous. Il faut que l'on existe par nous-mêmes et plus dans l'ombre de Jean-Luc Mélenchon, puisque c'est votre question. Qu'on arrête de jouer le basket de La France insoumise. Ce n'est pas s'opposer à eux, c'est considérer que l'on ne pourra rassembler par la suite une gauche de transformation sociale que si chacun des partis reste lui-même. Nous avons bien fait de faire un groupe à part, car on s'exprime, on porte des propositions et on fait vivre notre courant de pensée. Jean-Luc Mélenchon a finalement compris cela et il respecte notre position.

Vous critiquiez un peu plus tôt l'envie autocratique d'Emmanuel Macron via la réforme constitutionnelle notamment. C'est un trait de caractère que l'on retrouve aussi chez Mélenchon avec sa passion pour les césarismes. Trouvez-vous que les deux hommes se ressemblent ?

Ces deux hommes ont une personnalité forte, c'est vrai. Même s'ils sont d'une culture politique différente, ils ont des caractères similaires. Chaque fois que j'ai eu le malheur de dire du mal de Jean-Luc Mélenchon, j'ai eu droit à des dizaines et des dizaines de coups de fil de journalistes et d'invitations sur les plateaux de télévision. On m'a même catalogué pendant un temps d'anti-Mélenchon. J'ai mes divergences avec lui, mais on sait travailler ensemble.Il y a une forme de contradiction chez lui, je lui ai déjà dit. Il y a chez lui ce côté révolutionnaire bousculant tout et tout le monde et, en même temps, il a un ancrage viscéral à la République. Personne ne peut sérieusement cataloguer Jean-Luc Mélenchon car il est, au fond, très complexe. Sa personnalité fait que je ne sais pas ce qu'il sera demain. Très sincèrement, je ne suis pas certain qu'il sache, au fond de lui, quelle stratégie il veut engager. Lui considère que la prise du pouvoir ne peut se faire que dans la cadre d'un mouvement – en l'occurence La France insoumise – qui avale toutes les autres sensibilités de gauche. J'étais très favorable au Front de gauche, mais le gros problème c'est que le mouvement s'est cristallisé autour de sa personnalité. Or l'Internationale le dit très bien : « Ni dieu, ni César, ni Tribun. »



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