De Milou à la Castafiore : qui a inspiré les personnages de Tintin ?
Tintin, le double d’Hergé ?
Nombreuses sont les ressemblances entre le jeune journaliste et Georges Rémi. Pour imaginer son héros, Hergé s’est inspiré de l’univers de la presse qu’il connaît bien et qu’il affectionne. Georges Rémi débute sa carrière de dessinateur dans la presse belge, au service du journal Le Vingtième siècle, où il côtoie de nombreux reporters. Dans un entretien enregistré en 1979 sur la RTBF, diffusé pour la première fois sur France Culture le 21 juillet 1993, Hergé expliquait à propos de son personnage :
Tintin est né en 1929, et 1929, c’est l’année des grands reporters, comme Albert Londres… Des reporters qui sillonnent le monde avec leur petite valise, ils prennent le bateau, le transsibérien, ils vont dans les points chauds du globe. Comme je travaillais dans un journal et que je n’étais pas reporter, le héros pour moi, c’était le reporter. J’étais en-dessous d’eux et j’admirais les véritables journalistes. (...) Tintin reporter est un miroir, d’ailleurs tout journaliste est une espèce de miroir qui reflète les événements qu’il va regarder.
Élevé dans la tradition catholique, Hergé suit sa scolarité dans un établissement tenu par un abbé. De cette éducation stricte, il retient surtout les joies du scoutisme, des valeurs d’entraide et de partage qu’il transmet à son héros. Bon avec les autres, toujours redevable, Tintin cherche toujours à rendre justice. Dans l’album Tintin au Tibet, les lamas tibétains surnomment d'ailleurs Tintin, "cœur pur" :
Tintin a un peu l’esprit scout, cet esprit d’aventure, de jeu. Avec les qualités qu’on prête aux scouts, débrouillard, fidèle à la parole donnée, bon envers les animaux et la nature. Hergé
Milou : et si le fidèle compagnon de Tintin était une femme ?
Pour imaginer le personnage de Milou, le célèbre fox-terrier de Tintin, Georges Rémi s’est très probablement inspiré de son premier amour : Marie-Louise van Cutsem, surnommée "Milou". Dans la bande-dessinée, le personnage est pourtant un mâle.
Plus qu'un simple animal, Milou est un fidèle compagnon de route. Il pense, parle, alerte des dangers. Milou, une femme ? Il suffit pourtant de se plonger dans la biographie de Georges Rémi, Hergé, fils de Tintin, signée Benoît Peeters, pour confirmer cette piste.
En 2014, au micro de Colette Fellous dans l'émission Carnet nomade, l'humoriste Albert Algoud, auteur du Dictionnaire amoureux de Tintin évoquait ce passage de la vie d’Hergé :
Milou était le prénom du premier amour d’Hergé. C’était son surnom, Milou. Hergé a été fiancé, et les parents de cette jeune fille ont cassé la relation - à l’époque Hergé n’était qu’un coursier au journal Le Soir. J’en déduis que, pour se venger, et pour immortaliser cet amour qui fut brisé, Hergé a baptisé le chien de Tintin Milou. Albert Algoud
Le capitaine Haddock ou le jeu du langage
La première fois qu’il apparaît, c’est dans Le Crabe aux pinces d'or, le neuvième album de Tintin. Hergé ressent alors la nécessité de créer un entourage proche autour de Tintin. Il avait créé un personnage assez solitaire dans Tintin au Congo et Le Lotus bleu. Mais l'arrivée d'autres personnages principaux vont venir former une vraie famille autour de Tintin, comme l'explique Benoît Peeters dans l'émission "Personnages en personne", diffusée le 24 décembre 2017 :
Ce qui est touchant dans les personnages, c’est que Hergé réussit, peu à peu, à créer une harmonie des célibataires, entre des personnages très différents. Haddock est un peu le châtelain, il est chez lui, aidé par Nestor. Tintin est là, sans être tout à fait là, il ne s’est jamais vraiment installé, il mène sa vie. Et Tournesol aura sa petite aile, son petit laboratoire. Et tout le monde vit sa petite colocation, c’est assez moderne. Il y a là, un principe de délicatesse, ce sont des gens différents, d’âges différents, de cultures différentes. Benoît Peeters
Pour autant, le personnage d’Haddock n’est pas un faire-valoir. Il faut attendre Le Secret de la licorne pour voir Haddock sur la couverture ; à partir de là, la famille de Tintin apparaît dans les albums suivants.
Ce qui distingue le capitaine Haddock, ce sont d’abord ses attributs physiques : la barbe noire, la casquette de marin, le col roulé et la vareuse, qu’il porte en toutes circonstances. Impossible de ne pas également le définir par sa consommation d’alcool et de tabac ainsi que par sa colère, et surtout les injures qu'il emploie. À l'occasion de notre abécédaire des grands personnages de fiction, l’écrivain et biographe Pierre Assouline analysait le langage du capitaine Haddock :
Haddock me paraît beaucoup plus attachant que la plupart des héros d’Hergé, et peut-être plus attachant que Tintin lui-même, qui est déjà un personnage magnifique, mais Haddock a des arêtes, il a des points communs avec des gens que j’ai connus et que j’ai aimés. Je le trouve plus fort sur le plan romanesque, historique et humain. (…) Ce qui me plaît beaucoup en lui, c’est sa langue. C’est du Rabelais, c’est du Rabelais belge. Ces injures sont très littéraires. Pierre Assouline