Violences sexuelles ou sexistes dans les institutions musicales : jusqu'à quand l'ormeta ?
Damnation de Faust programmée à la Philharmonie.
On peut donc s'étonner qu'en France une scène aussi illustre que la Philharmonie de Paris ou qu'un des orchestres de la radio de service public ne perçoivent rien du symbole. Quand bien même ces deux institutions dépendent toutes les deux directement de l'État, qui a annoncé faire de l'égalité entre les femmes et les hommes une grande cause du quinquennat. Quand bien même la grande majorité des musiciens de l'Orchestre National ont émis les plus grandes réserves sur ce choix (le journal DIAPASON évoque dans son édition du 2 février 2019 une opposition de 60% des artistes consultés.
Notre fédération a lancé en juillet 2017 la campagne « l’envers du décor », pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles dans le monde du spectacle. Invitation a été faite à témoigner anonymement par le biais d'internet. Des dizaines de femmes ont rapporté ce qu'elles ont subi. La peur d'être « blacklister » pour les artistes - intermittentes donc précaires en général - le sentiment que justice ne serait pas faite sont les principales causes qui ont conduit les personnes qui ont témoigné à ne pas aller plus loin.
L’Union syndicale des artistes musiciens de France Cgt (SNAM-CGT) a pour sa part publié en 2018 un article détaillé sur des atteintes constatées à la dignité et aux droits des personnes dont certaines relèvent manifestement des juridictions pénales. Les exemples cités dans cet article reproduit partiellement ci-dessous concernent des maisons d'opéra à Lyon, à Nice ou à Toulouse.
Certes, le syndicat d'employeurs
FORCES MUSICALES (qui regroupe les ensembles symphoniques et les
maisons d'opéra) et l'AFO (Association Française des Orchestres) ont
publié à l'automne 2018 une « Charte pour l'Égalité entre les femmes et
les hommes au sein des orchestres et des opéras » dans laquelle il est
précisé que « Lutter contre les violences sexistes et les
discriminations reste une priorité pour chaque organisation membre ainsi
que pour l’AFO et Les Forces Musicales au plan national ». Comment
expliquer alors qu'aucun des responsables hiérarchiques mis en cause ou
condamné par la Justice n'a été sanctionné. Tous continuent à travailler
comme si rien ne s'était passé.
Un an et demi
après le déclenchement du mouvement #metoo, cette affaire à la
Philharmonie avec l'Orchestre National de France ne peut que nous
renforcer dans notre détermination à agir pour faire changer les choses.
Sinon,
en France on continuera à prétexter l'excellence artistique pour faire
passer au second plan le respect des droits fondamentaux des personnes.
Déclaration de la FNSAC CGT
Extrait du SNAM.INFOS n° 63 - sept 2017 Bulletin d'information de l'Union nationale des syndicats d'artistes musiciens de France (SNAM-CGT)
- En 2017, le directeur du ballet de l'opéra de Lyon, Yorgos Loukos, a été condamné à six mois de prison et 6.000 € d’amende par le tribunal correctionnel de Lyon, pour discrimination au travail et harcèlement après avoir demandé le non-renouvellement du contrat d'une danseuse à son retour de maternité.
- À Nice, c’est Éric Vu-An, qui est assigné par l'une de ses solistes, pour " discrimination " et " harcèlement moral ". Là encore, depuis son retour de grossesse en janvier, elle se dit victime de remarques désobligeantes sur son poids et son allure, de mises à l'écart punitives, répétitions épuisantes jusqu'au malaise... En dépit des interventions auprès de la Ville, cette danseuse n’a pas vu son contrat renouvelé pour la saison prochaine. Il est à noter qu’à notre connaissance, sous la Direction de Monsieur Vu-An, aucune danseuse ayant eu un congé de maternité n’a pu bénéficier d’un renouvellement de contrat donnant accès à un CDI.
- À Toulouse, un signalement a été adressé en avril dernier au Procureur de la République par le Secrétaire général du SAMMIP-CGT en raison de témoignages concordants sur les usages de Kader Belarbi, Directeur de la danse du Théâtre du Capitole. Il y est notamment fait état d’une séance d’humiliation publique au cours de laquelle un soliste était soumis pour l’exemple à une fessée devant l’ensemble de la compagnie. D’autres comportements ont été relatés par des danseurs qui pourraient relever de sanctions pénales et qui, surtout, si les faits étaient avérés, seraient révélateurs d’un abus de pouvoir de la direction du ballet vis-à-vis de ses artistes.