Disparition de Charles Aznavour
Connu dans le monde entier pour des chansons comme La Bohème ou Emmenez-noi, le chanteur français, d'origine arméniène, est décédé ce 1 lundi 1er octobre ont annoncé ses attachées de presse.
Charles Aznavour est ce qu’on appelle un monstre sacré du music-hall. Une légende dont on pensait avoir tout dit. Le chanteur, âgé de 93 ans, qui vient de triompher à l’AccorHotels Arena, à Paris et poursuit sa tournée jusqu’au 6 février, fait l’objet de deux livres qui lui rendent hommage en tentant de revisiter une des plus longues carrières de la chanson.
Charles Aznavour est ce qu’on appelle un monstre sacré du music-hall. Une légende dont on pensait avoir tout dit. Le chanteur, âgé de 93 ans, qui vient de triompher à l’AccorHotels Arena, à Paris et poursuit sa tournée jusqu’au 6 février, fait l’objet de deux livres qui lui rendent hommage en tentant de revisiter une des plus longues carrières de la chanson.
Avec Tout Aznavour, le journaliste et chroniqueur Bertrand Dicale rappelle que avant de connaître la gloire et la célébrité sur les plus grandes scènes du monde, Aznavour « a traversé des années de vaches maigres ». Dans cette somme de près de 800 pages, Dicale souligne que sa route n’a pas été un lit de roses : « Tant de présages, de forces, d’obstacles annonçaient si souvent que le chemin n’irait pas loin (…). Aznavour n’a pas été un jeune roi couronné à sa première bataille. » À force de travail, de talent et de volonté, il a réussi à imposer son style au fil de ses soixante-dix ans de carrière, faisant fi des critiques qui, à ses débuts, ne croyaient ni en son personnage, ni en sa voix, ni aux thématiques réalistes et mélancoliques de ses chansons. Dicale explore le chemin extraordinaire de cet artiste hors normes, « vagabond enraciné, apatride de cœur, combattant de la mémoire ». Il fallait, dit-il, « un ouvrage qui dise l’écho de la tragédie du peuple arménien, le souvenir des privations d’un enfant ».
Passage en revue des facettes de l’homme et du chanteur
Aznavour, porté par une inextinguible soif de savoir et de réussite, a démenti les pires pronostics. Bertrand Dicale passe en revue les facettes de l’homme et du chanteur. L’Arménien parisien, son goût du swing, Pierre Roche, avec qui il se produit en duo en Amérique ; Missak et Mélinée Manouchian, que ses parents hébergèrent pendant la guerre ; la Résistance ; Raoul Breton, qui deviendra son éditeur. Il évoque Édith Piaf, chez qui il s’installe en 1950, devenant son employé et son souffre-douleur, à la fois ami, confident, secrétaire, chauffeur, éclairagiste, sonorisateur… « J’étais son grouillot », dira-t-il. Il y a aussi sa brouille avec Bruno Coquatrix, le patron de l’Olympia, qui refuse la demande d’augmentation de cachet d’Aznavour dont la notoriété ne cesse de grandir ; sa volonté de conquérir les États-Unis et son premier concert au prestigieux Carnegie Hall de New York en 1963, mais aussi ses « emmerdes » avec l’administration fiscale en 1972… Sans oublier ses succès au cinéma, ses désirs de jazz et, au milieu de tout ça, l’amour pour l’écriture, son « grand joujou » : « C’est ce que je fais avec le plus de plaisir et de joie. »
Autant de Vies et légendes, titre d’une dense biographie non autorisée de plus de 600 pages que Robert Belleret consacre à Charles Aznavour. Spécialiste de la chanson et ancien journaliste au Monde, il s’est efforcé de « passer au crible » tout le parcours de cet artiste à la longévité exceptionnelle qui continue à séduire un large public : « Il pourrait bien réussir son pari d’être le premier centenaire à se produire sur les planches », observe-t-il. Belleret s’interroge sur la personnalité complexe d’Aznavour. Qui se cache derrière ce destin hors du commun ? : « Il y a en moi quatre personnages, avait déclaré le chanteur en 1967 sur la deuxième chaîne de l’ORTF. Je suis celui que l’on croit que je suis, celui que je crois être, celui que je veux être et celui que je suis en vérité. »
L’auteur tente ainsi d’éclairer les zones d’ombre de cet artiste authentique et pudique, qui s’est raconté, confié tout au long de sa vie, mais qui a aussi « beaucoup brodé, résumé, enjolivé, comblant les vides ou ménageant des zones d’ombre, surchargeant quelques traits, en floutant d’autres ». Au passage, on apprend que le patronyme de la famille ne serait pas Aznavourian, comme on le croit, mais Aznaourian. Le biographe oscille entre admiration et regard critique sur la personnalité complexe de cet artiste « à la fois émouvant et agaçant, qui souffre d’une hypertrophie du moi et traîne des complexes inguérissables (…) et se réfugie parfois dans la provocation ». Aznavour, magnifique survivant d’un âge d’or de la chanson : « Jusqu’où ira ce boulimique de l’existence, ce marathonien de la scène ? » se demande-t-il, pointant l’incroyable trajectoire « d’un Sisyphe inépuisable, mais aussi d’un Icare brûlant avec délectation ses ailes aux feux de la rampe » qui « défie le temps, vieil adversaire de sa jeunesse ».